L’impérialisme et l’anti-impérialisme aujourd’hui. Ashley Smith. Tempest. Juin 2024

Les États-Unis restent l’État le plus puissant du monde, avec la plus forte économie, le dollar comme monnaie de réserve mondiale, l’armée la plus puissante, le plus grand réseau d’alliances et, par conséquent, la plus grande puissance géopolitique. Mais il doit faire face à des concurrents de nature impériale, comme la Chine et la Russie, et à des rivaux de nature sub-impériale dans toutes les régions du globe.

Le capitalisme engendre l’impérialisme, c’est-à-dire la concurrence entre les grandes puissances et leurs grands groupes pour le partage et le redécoupage du marché mondial. Cette concurrence génère une dynamique de hiérarchisation des États, avec les plus puissants au sommet, les puissances moyennes ou sous-impériales en dessous, et les nations opprimées en bas de l’échelle.

Aucune hiérarchie n’est permanente. La loi du développement inégal et combiné du capitalisme, ses périodes d’expansion et de ralentissement, la concurrence entre les grands groupes, les conflits entre États et les soulèvements des exploité.e.s et des opprimé.e.s déstabilisent et restructurent le système étatique.

En conséquence, l’histoire de l’impérialisme a connu une succession de phases. Un ordre multipolaire a caractérisé la période allant de la fin du XIXe siècle à 1945. Il a produit les grands empires coloniaux et deux guerres mondiales. Il a été supplanté par un ordre bipolaire entre 1945 et 1991, les États-Unis et l’Union soviétique luttant pour l’hégémonie sur les nouveaux États indépendants libérés de la domination coloniale.

Avec l’effondrement de l’empire soviétique, les États-Unis ont présidé à un ordre unipolaire de mondialisation néolibérale, sans aucune superpuissance rivale, et ont mené une série de guerres pour imposer leur soi-disant ordre fondé sur des règles du capitalisme mondial, de 1991 au début des années 2000. Cet ordre a trouvé sa fin avec le déclin relatif des États-Unis, la montée en puissance de la Chine et la renaissance de la Russie, ouvrant la voie à l’ordre multipolaire asymétrique tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Les États-Unis restent la puissance dominante, mais ils sont désormais engagés dans une compétition avec la Chine et la Russie, surplombant des États sub-impériaux qui s’affirment de plus en plus, tels qu’Israël, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Inde et le Brésil, ainsi que des nations assujetties qui souffrent d’une oppression à la fois politique et économique.

Face à la menace d’une nouvelle époque de crises, de guerres et de révoltes, la gauche mondiale se doit de construire la solidarité internationale par en bas entre les travailleurs et les opprimés dans une lutte contre l’impérialisme et pour le socialisme dans le monde entier.

Les multiples crises du capitalisme mondial

Le capitalisme mondial a engendré de multiples crises qui se recoupent et qui intensifient les conflits entre les États et à l’intérieur de ceux-ci. Ces crises sont : l’effondrement de l’économie mondiale, l’exacerbation de la rivalité entre les États-Unis, la Chine et la Russie, le changement climatique, les migrations mondiales sans précédent et les pandémies, dont le COVID-19 n’est que l’exemple le plus récent.

Ces crises ont ébranlé le système en place, provoqué une polarisation politique dans la plupart des pays du monde, ouvert la porte à la fois à la droite et à la gauche, et déclenché des vagues de luttes explosives, mais ponctuelles, depuis la base. Nous n’avons pas connu une telle période de crise, de conflit, de guerre, d’instabilité politique et de révolte depuis des décennies.

Tout cela constitue un défi et une chance pour une gauche internationale et un mouvement ouvrier qui souffrent encore des conséquences de plusieurs décennies de défaite et de recul. C’est aussi une ouverture pour une nouvelle extrême droite qui présente des solutions autoritaires autour de la promesse de restaurer l’ordre social en désignant des boucs émissaires parmi les opprimé.e.s à l’intérieur du pays et en attisant des formes réactionnaires de nationalisme contre les ennemis de l’étranger.

Une fois au pouvoir, cette nouvelle extrême droite a échoué à surmonter les crises et les inégalités du capitalisme mondial, au contraire, elle les a exacerbées. En conséquence, ni les dirigeants en place ni leurs opposants d’extrême droite ne proposent d’issue pour sortir de cette époque de catastrophes.

L’ordre mondial multipolaire asymétrique

Dans ce contexte de crises qui se multiplient comme des métastases, les États-Unis ne sont plus au sommet d’un ordre mondial unipolaire. Ils ont subi un déclin relatif à la suite du long cycle de prospérité néolibéral, de l’échec de leurs guerres en Irak et en Afghanistan et de la grande récession. Ces évolutions ont permis la progression de la Chine en tant que nouvelle puissance impériale et la résurgence de la Russie en tant que pétro-puissance dotée de l’arme nucléaire. Dans le même temps, une multitude de puissances sub-impériales se sont affirmées plus que par le passé, mettant en concurrence les grandes puissances et cherchant à prendre l’avantage dans leur région.

Tout cela a donné naissance à l’ordre mondial multipolaire asymétrique d’aujourd’hui. Les États-Unis restent l’État le plus puissant du monde, avec la plus importante économie, le dollar comme monnaie de réserve mondiale, l’armée la plus puissante, le plus grand réseau d’alliances et, par conséquent, la plus grande puissance géopolitique. Mais il doit faire face à des concurrents impériaux en Chine et en Russie et à des rivaux sous-impérialistes dans toutes les régions du globe.

Ces antagonismes n’ont pas donné naissance à des blocs géopolitiques et économiques cohérents. La mondialisation a fortement imbriqué la plupart des économies du monde, empêchant le retour de blocs tels qu’ils existaient à l’époque de la guerre froide.

Ainsi, les deux plus grands rivaux, les États-Unis et la Chine, sont aussi deux des plus intégrés au monde. Pensez à l’iPhone d’Apple, conçu en Californie, fabriqué en Chine dans des usines sous propriété taïwanaise et exporté vers des vendeurs situés aux États-Unis et dans le reste du monde.

Les nouvelles puissances sous-impériales ne se montrent loyales ni envers la Chine ni envers les États-Unis, mais concluent de manière opportuniste des pactes avec l’une ou l’autre puissance pour servir leurs propres intérêts capitalistes. Par exemple, tout en concluant des accords avec la Chine dans le cadre de l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) contre les États-Unis, l’Inde est partie prenante de l’alliance QUAD (États-Unis, Australie, Inde, Japon) de Washington contre la Chine.

Cela dit, le marasme économique mondial, l’intensification de la rivalité entre les États-Unis et la Chine, et surtout la guerre impérialiste que mène la Russie en Ukraine et les sanctions des États-Unis et de l’OTAN contre Moscou commencent à ébranler la mondialisation telle que nous l’avons connue. En effet, la mondialisation a atteint un plateau et a commencé à décliner.

Par exemple, dans le cadre de ce qu’on appelle la guerre des puces, les États-Unis et la Chine sont en train de mettre à part la partie supérieure de leurs économies de haute technologie. Par ailleurs, les sanctions occidentales imposées à la Russie en raison de la guerre impérialiste qu’elle mène contre l’Ukraine l’ont exclue des échanges commerciaux et des investissements des États-Unis et de l’Union européenne (UE), l’obligeant à se tourner vers les marchés chinois et iranien.

Il en résulte que nous sommes sur une trajectoire de division économique croissante, de rivalité géopolitique et même de conflit militaire entre les États-Unis, la Chine et la Russie, ainsi qu’entre eux et les puissances sub-impériales.

Dans le même temps, la profonde intégration économique des États-Unis et de la Chine en particulier, ainsi que le fait que chacun possède des armes nucléaires, contrecarrent la tendance à la guerre ouverte, qui risquerait d’entraîner une destruction mutuelle certaine et l’effondrement de l’économie mondiale.

Washington réarme pour se préparer à la rivalité des grandes puissances

Depuis l’administration Obama, l’État américain tente de mettre en place une nouvelle stratégie afin de contrer la montée en puissance de la Chine et la résurgence de la Russie. Obama avait lancé son fameux « pivot vers l’Asie » et Trump avait ouvertement mis la compétition entre grandes puissances avec Pékin et Moscou au centre de sa stratégie de sécurité nationale, mais ni l’un ni l’autre n’a défini une approche globale de ces conflits ou d’autres dans le cadre du nouvel ordre mondial asymétrique et multipolaire.

Nous sommes sur la voie d’une division économique croissante, d’une rivalité géopolitique et même d’un conflit militaire entre les États-Unis, la Chine et la Russie, ainsi qu’entre eux et les puissances sub-impériales.

Le président Barack Obama était resté concentré sur le Moyen-Orient, où il a mis fin aux occupations de l’Irak et de l’Afghanistan, avant de consolider l’ordre existant dans la région après le printemps arabe et la montée en puissance de Daech.

Trump a affiché haut et fort sa stratégie de confrontation entre grandes puissances, mais celle-ci s’est révélée incohérente dans la pratique. Elle consistait en un amalgame de nationalisme d’extrême droite, de protectionnisme, de menaces d’abandon d’alliances historiques telles que l’OTAN et d’accords bilatéraux négociés à la fois avec des adversaires déclarés et avec des alliés traditionnels. Ses années erratiques de mauvaise conduite des affaires ont entraîné la poursuite du déclin relatif des États-Unis.

Le président Joe Biden a adopté la stratégie la plus cohérente à ce jour. Son idée était de récupérer les luttes sociales et de classes par des réformes mineures, de mettre en œuvre une nouvelle politique industrielle pour garantir la compétitivité des États-Unis dans la fabrication de produits de haute technologie, de restaurer les alliances de Washington, comme l’OTAN, et de les élargir en lançant une « Ligue des démocraties » contre les rivaux autocratiques de Washington.

En fin de compte, les Démocrates du centre, les Républicains et les Cours de justice ont bloqué bon nombre de ses réformes destinées à atténuer l’inégalité sociale. Mais il a réussi à mettre en œuvre sa politique industrielle au moyen de plusieurs textes de loi. Biden a également commencé à remettre en état et à élargir les alliances des États-Unis par le biais de nouveaux pactes et d’initiatives économiques.

L’objectif est de contenir la Chine, de contrer l’expansionnisme russe en Europe de l’Est et de ramener le plus grand nombre possible de puissances sous-impérialistes, d’États subordonnés et de nations opprimées sous l’hégémonie américaine et l’ordre international qui lui est attaché.

M. Biden a poursuivi sur la lancée de ses prédécesseurs dans leurs efforts pour sortir les États-Unis du bourbier des opérations d’occupation. Il a finalement mis fin à vingt années d’occupation de l’Afghanistan de façon chaotique, sur fond de crimes de guerre et en abandonnant le pays aux Talibans. Il a ensuite tenté de stabiliser le Moyen-Orient en maintenant les accords d’Abraham conclus sous Trump et en intensifiant les efforts de normalisation des relations avec Israël par l’établissement de relations officielles entre les régimes arabes et Tel-Aviv.

Bien entendu, cela a donné le feu vert au Premier ministre Benjamin Netanyahou pour poursuivre le siège de Gaza, l’expansion des colons en Cisjordanie occupée et l’approfondissement de l’apartheid en Israël, qui trouve aujourd’hui son horrible expression dans la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza. En Europe, Biden a réengagé les États-Unis dans l’OTAN, envoyant ainsi le signal à la Russie que Washington, et non Moscou, resterait la puissance hégémonique prédominante dans la région.

Mais la principale cible de la stratégie de Biden en matière de rivalité entre grandes puissances est la Chine. Sur le plan économique, sa politique industrielle est conçue pour restaurer, protéger et étendre la suprématie économique des États-Unis face à Pékin, en particulier dans le domaine de la haute technologie.

Elle a pour objectif de relocaliser la fabrication de produits de haute technologie sur le territoire américain ou dans des pays amis, d’imposer une barrière protectionniste élevée autour de la conception et de l’ingénierie des puces informatiques produites aux États-Unis et de soutenir financièrement les entreprises et les universités américaines de haute technologie dans les domaines des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) afin d’asseoir leur domination dans le domaine de l’IA (intelligence artificielle) et d’autres technologies de pointe, en particulier en raison de leurs éventuelles applications militaires.

Sur le plan géopolitique, Biden a consolidé les accords existants avec le Japon et les a élargis pour inclure en particulier les pays que la Chine cherche à déstabiliser, notamment le Viêt Nam et les Philippines. Il a également réaffirmé la politique dite de la « Chine unique », qui ne reconnaît que Pékin, et l’ambiguïté stratégique à l’égard de Taïwan, qui conduit les États-Unis à armer la nation insulaire comme un « porc-épic » pour dissuader l’agression chinoise, tout en restant vagues sur la question de savoir s’ils s’engageraient dans la défense de l’île en cas d’agression ou d’invasion.

Sur le plan militaire, Biden a renforcé les alliances militaires américaines telles que le QUAD et le Five Eyes (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis), et en a créé de nouvelles, notamment celle entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (AUKUS) pour le déploiement de sous-marins nucléaires en Australie. Washington est en plein processus de déclenchement d’une course à l’armement et à la construction de bases avec la Chine dans toute l’Asie-Pacifique.

Les rivaux impérialistes de Washington : La Chine et la Russie

La Chine et la Russie ont mis en œuvre leur propre stratégie pour faire valoir leurs ambitions impériales. Ces trois puissances forment ce que Gilbert Achcar a appelé la « triade stratégique » de l’impérialisme mondial.

Sous la direction de Xi Jinping, la Chine a cherché à restaurer son statut de grande puissance dans le cadre du capitalisme mondial. Elle a mis en œuvre une stratégie économique qui consiste à s’élever dans la chaîne de valeur pour être compétitive au plus haut niveau de la conception, de l’ingénierie et de la fabrication. Elle a investi des capitaux publics et privés dans le cadre de programmes tels que « Chine 2025 », qui vise à faire de certaines entreprises des champions nationaux dans le domaine des hautes technologies.

Ce programme a été couronné de succès, Huawei et BYD, entre autres, s’étant imposés comme des acteurs de premier plan au niveau mondial. La Chine est désormais un leader industriel dans des domaines tels que l’énergie solaire et les véhicules électriques, défiant ainsi le capital américain, européen et japonais.

Avec son expansion économique massive, la Chine a tenté d’exporter ses excédents de capitaux et de capacités à l’étranger par le biais de son programme « Les Nouvelles Routes de la Soie » (Belt and Road Initiative,BRI), d’une valeur de 1 000 milliards de dollars, un vaste plan de développement d’infrastructures dans le monde entier, en particulier dans les pays du Sud. Rien de tout cela n’est altruiste. La plupart de ces investissements sont destinés à construire des infrastructures, des voies ferrées, des routes et des ports pour exporter des matières premières vers la Chine.

La Chine exporte ensuite ses produits finis vers ces pays, selon un schéma impérialiste classique. Mais le ralentissement de son économie, les problèmes bancaires et les crises de la dette dans les pays auxquels elle avait accordé des prêts ont conduit la Chine à renoncer à ses plus grandes ambitions en matière d’investissement direct à l’étranger.

Néanmoins, la Chine tente de transformer ces efforts en influence géopolitique au travers de regroupements économiques tels que les BRICS, ainsi que de pactes politiques et de sécurité tels que l’Organisation de coopération de Shanghai (qui regroupe la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et une série d’États d’Asie centrale). Elle a également affirmé son influence au Moyen-Orient en soutenant la normalisation des relations diplomatiques entre son allié l’Iran et l’Arabie saoudite, dont elle dépend pour l’essentiel de son pétrole.

Pour étayer son importance économique nouvelle au moyen d’une puissance militaire, la Chine modernise ses forces armées, en particulier sa marine, dans le but bien précis de contester l’hégémonie navale des États-Unis dans le Pacifique. C’est dans cette optique qu’elle s’est emparée d’îles revendiquées par d’autres États, ce qui a engendré des conflits avec le Japon, le Viêt Nam, les Philippines et de nombreux autres pays. Elle a procédé à la militarisation de certaines d’entre elles, notamment en mer de Chine méridionale, afin de mettre en avant sa puissance, de protéger les routes maritimes et de revendiquer des droits sur les réserves sous-marines de pétrole et de gaz naturel.

Enfin, Pékin fait valoir ses revendications historiques sur ce qu’il considère comme son territoire national dans le cadre d’un projet de régénération de la nation. Elle a ainsi imposé sa domination sur Hong Kong par la force brutale, conduit une véritable guerre contre des menées terroristes ainsi qu’un génocide culturel à l’encontre des Ouïghours du Xinjiang, et a accentué ses menaces d’invasion de Taïwan, qu’elle considère comme une province dissidente.

Sous le règne de Vladimir Poutine, la classe dirigeante russe a cherché à restaurer son pouvoir impérial, si durement ébranlé par l’effondrement de l’empire soviétique en Europe de l’Est et par la mise en œuvre désastreuse de la thérapie de choc néolibérale. Elle a vu les États-Unis et l’impérialisme européen absorber son ancienne sphère d’influence par le biais de l’expansion de l’OTAN et de l’UE.

Poutine a reconstruit la Russie en tant que puissance pétrolière dotée d’armes nucléaires avec pour objectif de reconquérir son ancien empire en Europe de l’Est et en Asie centrale, tout en imposant l’ordre à l’intérieur du pays contre toute dissidence populaire et en particulier contre ses républiques parfois récalcitrantes. Elle a tenté de consolider son emprise sur son ancienne sphère d’influence en collaborant avec la Chine au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai.

Ce projet impérialiste l’a conduite à engager une série de guerres en Tchétchénie (1996, 1999), en Géorgie (2008), en Ukraine (2014, 2022-) ainsi que des interventions en Syrie et dans plusieurs pays d’Afrique. L’affirmation impériale de la Russie a suscité la résistance des États et des peuples qu’elle a pris pour cible, ainsi que des contre-offensives impérialistes de la part des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE.

La guerre impérialiste russe contre l’Ukraine

Trois nœuds stratégiques ont porté ces rivalités interimpériales à leur paroxysme : l’Ukraine, Gaza et Taïwan.

L’Ukraine est devenue le théâtre d’une guerre majeure en Europe pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. La Russie a envahi le pays en 2014, puis à nouveau en 2022, dans un acte d’agression impérialiste évident, tentant de s’emparer de l’ensemble du pays et d’y imposer un régime semi-colonial. Poutine a justifié son geste par des mensonges sur la dénazification (à peine croyable de la part d’un des États les plus réactionnaires au monde et allié de l’extrême droite à l’échelle internationale).

Bien sûr, cette agression était en partie une réponse à l’expansion des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE, mais cela n’enlève rien à la nature impérialiste de cette guerre. L’objectif était d’utiliser la conquête de l’Ukraine comme un tremplin pour récupérer son ancienne sphère d’influence dans le reste de l’Europe de l’Est.

L’État, l’armée et le peuple ukrainiens se sont soulevés contre l’invasion dans une lutte pour l’autodétermination nationale.

Biden a fourni à l’Ukraine une aide économique et militaire au nom des intérêts impériaux de Washington. Washington n’est pas un allié des luttes de libération nationale, comme l’atteste sa longue histoire de guerres impérialistes, des Philippines au Viêt Nam et à l’Irak. Washington a pour objectif d’affaiblir la Russie, de l’empêcher d’empiéter sur sa sphère d’influence élargie en Europe de l’Est et de dresser ses alliés de l’OTAN non seulement contre Moscou, mais aussi contre la Chine, que l’OTAN a désignée comme un point stratégique pour la première fois de son histoire.

Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont imposé à la Russie les sanctions les plus sévères de l’histoire et ont fait pression sur l’Europe occidentale pour qu’elle se désengage de l’approvisionnement énergétique russe et fasse plutôt appel aux exportations de gaz naturel en provenance des États-Unis. Par réaction, la Russie est devenue de plus en plus dépendante de la Chine pour le commerce et la technologie, ainsi que de la Corée du Nord et de l’Iran pour les missiles, les drones et d’autres matériels militaires.

Washington a également tenté d’utiliser l’agression de la Russie pour rallier les pays du Sud à sa position. Mais il n’a pas eu beaucoup de chance avec les gouvernements de ces États, malgré l’identification populaire de la plupart de ces pays anciennement colonisés avec la lutte de l’Ukraine pour l’autodétermination. Néanmoins, Biden a utilisé l’Ukraine pour consolider ses alliances mondiales et le pouvoir de séduction de Washington, qui s’est posé en défenseur de l’autodétermination et de son pseudo ordre fondé sur des règles de droit, face à l’impérialisme russe.

La guerre génocidaire d’Israël à Gaza, soutenue par les États-Unis

La guerre génocidaire d’Israël à Gaza a bouleversé les plans impériaux de Washington pour l’ensemble du Moyen-Orient et a l’a précipité dans sa plus grande crise géopolitique depuis le Viêt Nam. Confronté à un lent étranglement dû au siège total de Gaza, le Hamas a entrepris une tentative désespérée d’évasion le 7 octobre, capturant des otages et tuant un grand nombre de soldats et de civils.

Son attaque a mis en lumière les faiblesses des services de renseignement israéliens et du contrôle des frontières le long de son mur d’apartheid. En réaction, Israël a engagé la plus importante incursion militaire jamais réalisée dans la bande de Gaza, dans le but déclaré de récupérer les otages et de détruire le Hamas. Il n’a réussi ni l’un ni l’autre. Au lieu de cela, il a détruit Gaza dans une guerre en forme de punition collective, de nettoyage ethnique et de génocide. L’administration Biden l’a soutenue à chaque étape, en la finançant, en lui fournissant une couverture politique avec des vetos aux Nations unies et en l’armant jusqu’aux dents.

Mais il existe un fossé entre Israël et les États-Unis. Si Washington soutient l’objectif d’Israël de détruire la résistance palestinienne, il a tenté de le persuader de modifier sa stratégie en passant des bombardements de Gaza et des meurtres de civils à des opérations spéciales visant le Hamas. Le désaccord stratégique de l’administration Biden avec Israël a atteint son paroxysme lors de l’assaut de Rafah, les États-Unis interrompant les livraisons de certaines de leurs bombes les plus destructrices.

Le gouvernement des États-Unis n’approuve pas non plus les offensives de plus en plus nombreuses d’Israël dans la région, notamment les bombardements en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen. Washington ne s’est pas ouvertement opposé à ces frappes, mais a plutôt tenté de faire pression sur les régimes visés pour qu’ils ne réagissent pas.

Les États-Unis n’ont pas été en mesure de freiner Netanyahou, prisonnier des fascistes de son gouvernement de coalition qui appellent au génocide et à la guerre régionale, en particulier contre l’Iran. Netanyahou leur a emboîté le pas pour préserver son gouvernement de coalition, car s’il tombe, il sera probablement emprisonné sur la base d’accusations de corruption.

Ainsi, la guerre génocidaire et l’agression régionale d’Israël pourraient déclencher une guerre plus large. Déjà, elle a incité les Houthis au Yémen à mener des opérations contre des navires pétroliers et commerciaux, menaçant ainsi l’économie mondiale et conduisant les États-Unis à mettre sur pied une coalition pour protéger leurs navires et menacer les Houthis.

Mais le conflit le plus aigu et le plus dangereux de tous ceux qu’Israël a orchestrés est celui qui l’oppose à l’Iran. Il a bombardé l’ambassade de Téhéran à Damas, tuant l’un des dirigeants des Gardiens de la révolution islamique. Washington s’est empressé de faire pression sur l’Iran pour qu’il ne frappe pas Israël et ne déclenche pas une guerre à grande échelle.

Finalement, l’Iran a mené une attaque largement symbolique contre Israël. Il a télégraphié ses plans aux États-Unis et aux pays arabes, ce qui a permis à Israël et à ses alliés d’abattre la quasi-totalité des drones et des missiles. Les États-Unis ont ensuite fait pression sur Israël pour qu’il limite sa contre-attaque. Tel-Aviv a néanmoins envoyé un message inquiétant en frappant, certes de manière limitée, les installations nucléaires iraniennes. En retour, Téhéran poursuivra ses efforts de développement d’armes nucléaires et Israël répondra par des frappes militaires afin de protéger son monopole nucléaire régional, menaçant ainsi la région d’un Armageddon.

Au milieu de ce tourbillon, la barbarie d’Israël a déclenché des protestations de masse dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et dans le monde entier, faisant apparaître et isolant à la fois Israël et les États-Unis comme les architectes et les auteurs d’un génocide. L’Afrique du Sud a porté plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice, l’accusant de génocide, une affaire que la Cour a déclarée recevable.

La Chine et la Russie ont profité de la crise pour se poser en alliés de la Palestine, malgré leurs étroites relations économiques et diplomatiques avec Israël et leur soutien à la stabilisation du statu quo dans la région. Les oppresseurs du Xinjiang et de l’Ukraine n’ont aucune raison de se dire favorables à l’autodétermination nationale.

Néanmoins, les États-Unis ont subi un énorme revers. Leur capacité de s’imposer en douceur a été profondément ébranlée. Personne ne peut plus guère croire que les États-Unis soutiennent « un ordre fondé sur des règles de droit », « l’autodétermination » ou même « la démocratie ».

Les projets de normalisation des relations avec Israël par le biais des accords d’Abraham ont été pour le moment interrompus. Alors que leurs populations sont descendues dans la rue et expriment à tout le moins de la sympathie pour les Palestiniens, aucun régime arabe ne conclura publiquement un accord avec Israël, malgré leur intégration économique croissante avec l’État d’apartheid, bien qu’un certain nombre d’entre eux continuent de faire avancer ces projets à huis clos.

Aucun de ces régimes, ni l’Iran, ne peut être considéré comme un allié de la lutte palestinienne. À l’exception des Houthis, tous ont limité les ripostes militaires à Israël. Aucun n’a interrompu ses livraisons de pétrole aux grandes puissances.

Il n’y a pas véritablement d’« axe de la résistance ». Tous ces États prennent des postures pour empêcher la solidarité populaire avec la Palestine de basculer dans l’opposition à leur propre régime despotique. Et lorsqu’ils ont été confrontés à une quelconque résistance intérieure, tous, de l’Égypte à l’Iran, l’ont réprimée avec une force brutale. Ce sont tous des régimes capitalistes contre-révolutionnaires.

La guerre génocidaire d’Israël a toutefois fondamentalement sapé la tentative de Washington de courtiser les États et les impérialismes secondaires de la région et de l’ensemble du Sud. Les souvenirs que ces États et leurs peuples ont de leur propre lutte de libération les amènent à s’identifier à la Palestine et à s’opposer à la fois aux États-Unis et à Israël.

Cela a suscité une vague mondiale sans précédent de protestations populaires en solidarité avec la Palestine. Parallèlement, le soutien sans faille de l’administration Biden à Israël a déclenché des protestations ininterrompues au cours des six derniers mois, qui ont culminé avec une rébellion étudiante sur les campus de tout le pays. Mettant encore plus à mal les prétentions de Washington à être un modèle de démocratie, les deux grands partis politiques, en collaboration avec les administrations libérales et conservatrices des universités, ont réprimé cette rébellion étudiante avec la plus grande brutalité.

Israël a ainsi réduit à néant toutes les avancées géopolitiques réalisées par les États-Unis grâce à ses prises de position autour de l’Ukraine, a plongé l’impérialisme américain dans une crise et a mis en péril la réélection de Biden. Il a également ouvert un large espace aux adversaires mondiaux et régionaux de Washington pour qu’ils affirment de plus en plus leurs propres intérêts, ce qui a entraîné une escalade des conflits dans le monde entier

Taïwan : épicentre de la rivalité entre les États-Unis et la Chine

Taïwan est devenu l’épicentre de la rivalité entre les États-Unis et la Chine. La Chine a fait de la réunification, c’est-à-dire de la prise de Taïwan, l’un de ses principaux objectifs impérialistes. Si Joe Biden a promis de maintenir la politique d’une seule Chine et l’ambiguïté stratégique, il a promis à plusieurs reprises de prendre la défense de Taïwan en cas de guerre.

Pour se préparer à une telle conflagration, il tente de surmonter l’antagonisme historique entre les alliés régionaux que sont le Japon, les Philippines, la Corée du Sud, le Viêt Nam et d’autres, afin de les unir autour de divers pactes multilatéraux et bilatéraux dirigés contre la Chine. Tout cela ne fait qu’attiser le conflit sur Taïwan.

Dans le même temps, l’intégration économique des États-Unis, de la Chine et de Taïwan atténue la dérive vers la guerre. Foxconn, l’une des multinationales taïwanaises, fabrique l’iPhone d’Apple dans des usines géantes en Chine pour l’exporter dans le monde entier, y compris aux États-Unis. La société taïwanaise TSMC fabrique également 90% des microprocesseurs les plus sophistiqués au monde, qui sont utilisés dans tous les domaines, des grille-pain aux armes de haute technologie, en passant par les chasseurs bombardiers tels que le F-35.

En dépit de cette intégration, le conflit entre les États-Unis et la Chine autour de Taïwan s’est intensifié tout au long du mandat de Biden, et les dirigeants américains l’ont encore aggravé par des visites provocatrices. Par exemple, Nancy Pelosi a organisé un voyage diplomatique au cours duquel elle a promis le soutien des États-Unis à Taïwan, ce qui a incité la Chine à répondre par des manœuvres militaires menaçantes. De son côté, la Chine s’est également livrée à des provocations pour influer sur la politique taïwanaise et envoyer un message à Washington.

En réalité, aucune des deux grandes puissances ne respecte le droit à l’autodétermination de Taïwan. La Chine veut l’annexer et Washington n’utilise Taipei que dans le cadre de son offensive impériale contre Pékin.

Bien que la guerre soit peu probable, parce qu’elle pourrait déclencher une conflagration nucléaire et anéantir l’économie mondiale en interrompant la production et le commerce des puces électroniques, de matières premières aussi essentielles que le pétrole au fonctionnement du capitalisme mondial contemporain, elle ne peut être exclue étant donné que les conflits impérialistes s’exacerbent.

Le marasme intensifie la rivalité interimpérialiste

Le marasme mondial du capitalisme intensifie la rivalité entre les États-Unis, la Chine et la Russie sur tous les terrains, du commerce à la géopolitique, en passant par ces points stratégiques névralgiques. Le marasme mondial exacerbe également les inégalités au sein des nations et entre elles à travers le monde.

En tant que puissance impérialiste dominante qui contrôle la monnaie de réserve mondiale (le dollar), les États-Unis se sont remis de la récession due à la pandémie avec plus de succès que leurs rivaux. C’est l’exception, et non la norme, dans le monde capitaliste avancé. Malgré cela, l’inflation a frappé de plein fouet la classe ouvrière et intensifié les divisions sociales et de classe.

L’Europe et le Japon oscillent entre récession et croissance lente, avec une aggravation des inégalités entre les classes. La Chine poursuit sa croissance, mais à un rythme très réduit. La Russie a mis en place une économie de guerre pour échapper aux pires conséquences des sanctions et maintenir ses taux de croissance, mais cette situation n’est pas viable. Dans ces deux pays, les inégalités se creusent.

Le marasme mondial a des effets du même ordre sur les puissances sub-impériales, dont beaucoup dépendent de la diminution des marchés d’exportation dans le monde capitaliste avancé. Par ailleurs, une grave crise de la dette souveraine a éclaté dans les pays opprimés et endettés du Sud. La combinaison d’une croissance lente, de marchés d’exportation affaiblis, de l’inflation et de taux d’intérêt élevés les a rendus incapables de rembourser leurs emprunts. Bien que les prêteurs capitalistes privés, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les banques d’État ou contrôlées par la Chine aient accepté de procéder à des accords de réajustement partiel avec les pays endettés, ils veulent toujours que leurs prêts soient remboursés et ont imposé diverses conditions pour le garantir. Tout cela exacerbe les divisions sociales et de classe, provoquant dans certains cas la hausse de l’extrême pauvreté, qui avait reculé au cours de la phase d’expansion néolibérale.

Polarisation, révolte et révolution

Le fait que les institutions du capitalisme, qu’il s’agisse de démocraties libérales ou d’autocraties, soient incapables de surmonter ce marasme, entraînera une polarisation politique de plus en plus forte, ouvrant la voie à la fois à la gauche et à la droite.

Compte tenu des faiblesses de l’extrême gauche et des organisations de classe et de lutte sociale, diverses formes de réformisme ont été la principale expression d’une alternative à gauche. Mais, comme on pouvait s’y attendre, les réformistes au gouvernement ont été entravés par la bureaucratie d’État capitaliste et par la faiblesse de leurs économies secouées par la crise, ce qui les a conduits soit à ne pas tenir leurs promesses, soit à les trahir et à opter pour des politiques capitalistes traditionnelles.

Les échecs de la classe dirigeante capitaliste et de ses opposants réformistes ouvrent partout la porte à l’extrême droite électorale et aux forces fascistes naissantes.

L’exemple type est celui de Syriza en Grèce. Il a trahi son engagement à s’opposer à l’UE et aux créanciers internationaux et a capitulé devant leur programme d’austérité, ce qui lui a valu d’être rejeté par les électeurs au profit d’un gouvernement néolibéral de droite.

Les échecs de la classe dirigeante capitaliste et de ses opposants réformistes ouvrent partout la porte à l’extrême droite électorale et aux forces fascistes naissantes. Même si elle est ethnonationaliste, autoritaire et réactionnaire, la majeure partie de cette nouvelle droite n’est pas fasciste. Elle ne construit pas de mouvements de masse pour renverser la démocratie bourgeoise, imposer la dictature et écraser les luttes des travailleurs et des opprimés. Ils tentent plutôt de gagner les élections dans le cadre de la démocratie bourgeoise et d’utiliser l’État pour réimposer un certain ordre social par le biais de politiques sécuritaires tournées vers divers boucs émissaires, en particulier les migrant.e.s fuyant la pauvreté, les crises politiques et le changement climatique.

Aux États-Unis, en Europe, en Inde, en Chine, en Russie et dans d’autres pays, l’extrême droite se montre particulièrement encline à s’en prendre aux musulmans. Presque sans exception, la droite promet de restaurer l’ordre social en imposant les « valeurs familiales » au détriment des féministes, des transgenres et des militants LGBTQ.

La droite a déjà réalisé des avancées historiques en Europe, en Asie et en Amérique latine. Et en 2024, avec des élections dans 50 pays impliquant 2 milliards de personnes, les partis de droite sont bien placés pour réaliser de nouvelles avancées.

C’est peut-être aux États-Unis que ces changements auront le plus d’impact sur la politique mondiale : Biden se présente en consolidant les alliances et les projets de l’impérialisme américain à l’étranger et en défendant prétendument la démocratie à l’intérieur du pays. Trump menace d’abandonner le grand projet de l’impérialisme américain, le contrôle du capitalisme mondial, de se retirer de ses alliances multilatérales, d’imposer davantage de mesures économiques nationalistes et de faire des opprimé.e.s des boucs émissaires à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour y réussir. Ce faisant, il accélérerait le déclin relatif de Washington, accentuerait les inégalités intérieures et exacerberait les antagonismes inter-impériaux et inter-étatiques.

Ni Trump ni l’extrême droite où que ce soit dans le monde n’ont de solutions à proposer aux exploité.e.s et aux opprimé.e.s face aux crises qu’ils.elles subissent. De ce fait, leurs victoires ne déboucheront pas sur des régimes stables, mais ouvriront la porte à la réélection des partis traditionnellement établis.

Depuis la Grande Récession, la combinaison des crises et de l’incapacité des gouvernements, quels qu’ils soient, à les résoudre a régulièrement entraîné les travailleurs et les opprimés dans des vagues de lutte . En effet, les 15 dernières années ont été marquées par certaines des plus grandes révoltes depuis les années 1960.

Presque tous les pays du monde ont connu une forme ou une autre de lutte de masse par en bas, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Toutes ces luttes ont été entravées par les défaites et les reculs des dernières décennies, qui ont affaibli l’organisation sociale et de classe et brisé la gauche révolutionnaire.

En conséquence, même les révoltes les plus puissantes n’ont pas été en mesure de mener à bien des révolutions politiques ou sociales. Cela a laissé une ouverture à la classe dirigeante et à ses représentants politiques qui ont pu maintenir leur hégémonie, souvent avec le soutien de telle ou telle puissance impérialiste ou sous-impérialiste.

Par exemple, la Russie, l’Iran et le Hezbollah ont sauvé le régime barbare de Bachar el-Assad en le protégeant de la révolution. De même, la stratégie américaine de préservation du régime a aidé la classe dirigeante égyptienne à réimposer une dictature féroce dirigée par Abdel Fattah el-Sisi. Mais ces régimes n’ont en aucun cas stabilisé leurs sociétés. Les crises persistantes et le niveau scandaleux d’inégalité et d’oppression continuent d’alimenter la résistance par en bas dans le monde entier.

Les trois pièges de l’anti-impérialisme

Le nouvel ordre mondial multipolaire asymétrique, avec ses rivalités interimpériales croissantes, ses conflits interétatiques et ses vagues de révolte à l’intérieur des sociétés, a posé à la gauche internationale des questions auxquelles elle est mal préparée à répondre. Dans le ventre de la bête, les États-Unis, la gauche a majoritairement adopté trois positions erronées, qui nuisent toutes à la construction d’une solidarité internationale par en bas contre l’impérialisme et le capitalisme mondial.

Premièrement, les partisans du parti démocrate sont tombés dans le piège du soutien social-patriote aux États-Unis contre leurs rivaux. Ils ont soutenu l’appel de Joe Biden à former une « ligue des démocraties » contre la Chine et la Russie. C’est particulièrement le cas des partisans de Bernie Sanders qui, même s’ils critiquent telle ou telle politique américaine « erronée », considèrent Washington comme une force du bien au plan mondial.

En réalité, comme le prouve le soutien de Biden à la guerre génocidaire d’Israël, les États-Unis sont l’un des principaux ennemis de la libération nationale et de la révolution sociale dans le monde. C’est la principale puissance hégémonique qui vise à imposer un misérable statu quo et qui est donc un adversaire, et non un allié, de la libération collective à l’échelle internationale.

Deuxièmement, d’autres secteurs de la gauche ont commis l’erreur inverse en traitant « l’ennemi de mon ennemi comme mon ami ». Qu’on la qualifie d’anti-impérialisme vulgaire, de faux anti-impérialisme ou de campisme, cette position soutient les rivaux impérialistes de Washington en qualité de prétendu axe de résistance. Certains de ses adeptes vont même jusqu’à prétendre que des États manifestement capitalistes comme la Chine représentent une sorte d’alternative socialiste (alors même que, par exemple, Xi Jinping fait l’éloge du premier ministre hongrois d’extrême droite Viktor Orbán et vante le « partenariat stratégique global pour la nouvelle ère » conclu entre la Chine et la Hongrie).

Ainsi, ils soutiennent les grandes puissances émergentes, les États semi-impériaux et les diverses dictatures dans les pays dominés.

Ce faisant, ils ignorent la nature impérialiste d’États comme la Chine et la Russie et la nature contre-révolutionnaire de régimes comme ceux de l’Iran et de la Syrie, et peu importe la répression qu’ils exercent sur les travailleurs et les opprimés. Enfin, ils s’opposent à la solidarité avec les luttes populaires d’en bas au sein de ces pays, les qualifiant de pseudo « révolutions des couleurs » orchestrées par l’impérialisme américain.

Ils ont également trouvé des justifications à la guerre de la Russie contre l’Ukraine et à l’écrasement par la Chine du soulèvement démocratique à Hong Kong, et dans certains cas, ils les ont ouvertement soutenus. En fin de compte, ils se placent du côté d’autres États impérialistes et capitalistes, en recourant à des contorsions mentales pour nier leur caractère capitaliste, exploiteur et oppressif.

Enfin, certain.nes membres de la gauche ont adopté une position simpliste sur le plan géopolitique. Iels reconnaissent la nature prédatrice des différents États impérialistes et ne soutiennent aucun d’entre eux. Mais lorsque ces puissances entrent en conflit avec des nations opprimées, au lieu de défendre le droit de ces nations à l’autodétermination, y compris leur droit à se procurer des armes pour obtenir leur libération, ils ramènent ces situations sur l’axe unique de la rivalité interimpériale. Ce faisant, ils privent les nations opprimées de leur droit d’agir en fonction de leurs intérêts.

Bien sûr, les puissances impérialistes peuvent manipuler les luttes de libération nationale à un point tel qu’elles ne deviennent rien de plus que des guerres par procuration. Mais les réductionnistes géopolitiques utilisent cette possibilité pour refuser de soutenir les luttes légitimes de libération aujourd’hui.

Telle a été la position de nombreuses et nombreux partisan.nes de la gauche concernant la guerre impérialiste que mène la Russie contre l’Ukraine, la réduisant à une simple guerre par procuration entre Moscou et Washington. Mais comme le démontrent les sondages en Ukraine et la résistance nationale, les Ukrainiens se battent pour leur propre libération, et non pas pour servir de marionnette à l’impérialisme américain.

Sur la base de leur analyse erronée de la guerre, les réductionnistes géopolitiques se sont opposés au droit de l’Ukraine à se procurer des armes pour se libérer de l’impérialisme russe et se sont opposés aux livraisons, certains allant même jusqu’à organiser des actions visant à les empêcher. Un éventuel blocage de ces livraisons conduirait à une victoire de l’impérialisme russe, ce qui serait un désastre pour le peuple ukrainien et le condamnerait au même sort que ceux qui ont été massacrés à Bucha et à Mariupol.

Aucune de ces trois positions ne fournit à la gauche internationale un guide pour aborder les questions posées par le nouvel ordre mondial multipolaire asymétrique.

L’anti-impérialisme internationaliste

L’anti-impérialisme internationaliste est une bien meilleure approche. Au lieu de prendre le parti de tel ou tel État impérialiste ou capitaliste, les partisans de cette position s’opposent à tous les impérialismes ainsi qu’aux régimes capitalistes moins puissants, et ce tout en nous opposant aux interventions impérialistes dirigées contre eux. Nous sommes solidaires de toutes les luttes populaires de libération, de réforme et de révolution, partout dans le monde et sans exception.

En ce qui concerne la libération nationale, nous nous rangeons inconditionnellement mais de manière critique aux côtés des opprimé.e ;s dans leur lutte pour la liberté. Dans ces luttes, cependant, nous ne faisons pas l’amalgame entre libération nationale et socialisme, rejetant la tentation de peindre ces combats au pinceau rouge.

Au lieu de cela, nous adoptons une approche indépendante consistant à construire des liens de solidarité avec les travailleur.s et les opprimé.es dans ces luttes et à cultiver des relations politiques avec leurs forces progressistes et révolutionnaires afin de transformer les luttes pour la libération nationale en luttes pour le socialisme.

Cela nous amène à adopter des positions distinctes de celles d’une grande partie de la gauche sur les trois points stratégiques dans l’ordre impérialiste d’aujourd’hui.

Premièrement, dans le cas de l’Ukraine, nous soutenons sa lutte de libération et défendons son droit à obtenir des armes, même de la part des États-Unis et de l’OTAN, mais nous ne soutenons pas le gouvernement néolibéral de Volodymyr Zelensky. Nous nous opposons également à ce que l’impérialisme occidental utilise l’Ukraine pour promouvoir ses propres ambitions prédatrices et ouvrir le pays et la région à ses banques et à ses entreprises.

En revanche, nous entretenons des relations avec la gauche ukrainienne et le mouvement syndical du pays. Nous soutenons leurs revendications contre le néolibéralisme, contre la reconstruction par l’endettement et contre l’ouverture de l’économie ukrainienne au capital multinational. Nous soutenons leur appel en faveur d’une reconstruction populaire du pays basée sur des investissements du secteur public, avec un salaire décent pour tous les travailleurs, et réalisée par des travailleurs syndiqués.

Dans le cas de la Palestine, nous opposons au soutien de l’impérialisme américain à la guerre génocidaire d’Israël à Gaza et nous soutenons inconditionnellement la résistance palestinienne. Mais cela ne signifie pas que nous soutenons sa direction politique actuelle ou sa stratégie et ses tactiques. Nous adoptons une position critique à l’égard de ses partis bourgeois et petit-bourgeois, qu’il s’agisse de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ou de son pendant fondamentaliste islamique, le Hamas.

La principale direction de l’OLP, le Fatah, a abandonné la lutte armée au profit de l’illusion d’une solution diplomatique à deux États. Trois décennies de diplomatie ont échoué, laissant la Cisjordanie occupée, Gaza assiégée et Israël soumettant les Palestiniens à un régime d’apartheid à l’intérieur des frontières de 1948.

Le Hamas a comblé le vide laissé dans la résistance par la capitulation du Fatah. Il n’a cependant pas développé de stratégie alternative, poursuivant au contraire l’ancienne stratégie du Fatah consistant à s’appuyer sur des alliés arabes et iraniens supposés amicaux pour l’aider dans sa lutte militaire contre Israël. Il n’y a aucune raison de penser que cette stratégie, qui a échoué quand elle était pratiquée par l’OLP, sera couronnée de succès aujourd’hui.

Soutenu par l’impérialisme américain et renforcé par des alliances avec la plupart des régimes arabes, Israël ne peut être vaincu uniquement sur le plan militaire. Seule une stratégie combinant la résistance palestinienne contre Israël, la lutte révolutionnaire contre tous les régimes de la région et les mouvements anti-impérialistes au sein de toutes les grandes puissances peut libérer les Palestiniens de l’apartheid israélien et établir un État laïque et démocratique du fleuve à la mer, avec des droits égaux pour tous et toutes, y compris le droit des Palestiniens à retourner dans les maisons et sur les terres qui leur ont été volées.

Enfin, dans le cas de Taïwan, nous nous opposons à la menace chinoise d’annexer l’île et défendons le droit de Taïwan à l’autodétermination, y compris par l’autodéfense armée, tout en nous opposant à la volonté de Washington d’armer le pays dans le cadre de sa rivalité impériale avec la Chine.

L’anti-impérialisme internationaliste constitue une stratégie pour construire la solidarité par en bas entre les travailleurs et les opprimés contre toutes les grandes puissances et tous les États capitalistes du monde. Nous avons une occasion et une responsabilité énormes de promouvoir cette démarche auprès d’une nouvelle génération d’activistes.

Nous ne soutenons aucun des partis bourgeois en lice pour la présidence de Taïwan, mais nous sommes solidaires de la gauche émergente, des organisations populaires et des syndicats du pays. Eux seuls ont un intérêt et les moyens de défier les puissances impérialistes et la classe capitaliste taïwanaise et de construire une solidarité avec les travailleurs et les opprimés en Chine, dans la région et aux Etats-Unis.

Ainsi, l’anti-impérialisme internationaliste constitue une stratégie pour construire la solidarité par en bas entre les travailleurs et les opprimés contre toutes les grandes puissances et tous les États capitalistes du monde. Nous avons une occasion et une responsabilité énormes de promouvoir cette démarche auprès d’une nouvelle génération de militant.e.s qui sont instinctivement opposés à l’impérialisme américain et méfiants à l’égard des autres grandes puissances et des États oppresseurs.

C’est seulement dans la pratique, dans les luttes vivantes, que nous pourrons prouver la supériorité de ces idées, qu’il s’agisse des luttes de classe et des luttes sociales nationales ou des luttes de solidarité avec la Palestine, l’Ukraine et d’autres nations opprimées. Ce faisant, nous pouvons contribuer à forger une nouvelle gauche internationale engagée dans la construction de la solidarité par en bas dans la lutte contre le capitalisme mondial et pour le socialisme international.

Ashley Smith

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.

Source : Tempest, publié le 24 mai 2024

Il mondo cambia. Come dimostra anche il prossimo summit dei BRICS a Kazan. Mario Lettieri. Septiembre 2024

I BRICS crescono ma i nostri media li ignorano totalmente. Non si dovrebbero sorprendere se al 16.imo vertice di Kazan, in Russia, il prossimo 22 – 24 ottobre, essi avanzassero proposte e iniziative di una valenza economica e politica tale da scuotere alle fondamenta il vecchio ordine geopolitico.

Da 8 mesi quest’anno hanno tenuto decine e decine di conferenze e incontri preparatori a livello di governi, di parlamenti e di esperti su tutti gli argomenti di interesse globale.

Uno degli argomenti affrontati, quello monetario e finanziario, merita indubbiamente una maggiore attenzione per le sue inevitabili ripercussioni geopolitiche.

Anche quando si è discusso di cooperazione energetica, tecnologica, infrastrutturale, sanitaria, educativa o culturale, è sempre emersa la centralità del futuro assetto monetario e finanziario a livello internazionale.

Affermano di voler sviluppare la cooperazione interbancaria, fornendo assistenza alla trasformazione del sistema dei pagamenti internazionali con l’uso di tecnologie finanziarie alternative, ampliando l’utilizzo delle valute nazionali dei singoli paesi BRICS nel commercio reciproco.

Allo scopo i ministri delle Finanze e i governatori delle Banche Centrali sono stati incaricati di esaminare e relazionare a Kazan sull’uso delle valute locali e delle piattaforme di pagamento.

L’intento è chiaramente quello di rafforzare il proprio ruolo nel sistema monetario e finanziario internazionale, soprattutto sulle piattaforme multilaterali come l’Organizzazione mondiale del commercio, il Fmi e la Banca mondiale. Vogliono unire gli sforzi contro la frammentazione del sistema commerciale multilaterale, contro l’aumento del protezionismo e contro l’introduzione di restrizioni commerciali unilaterali.

Secondo gli ultimi dati, il commercio reciproco tra i paesi BRICS ha raggiunto quasi 678 miliardi di dollari l’anno. Allo stesso tempo, negli ultimi 10 anni, il commercio globale è cresciuto del 3% l’anno, quello dei BRICS con il resto del mondo del 2,9% e quello all’interno del gruppo del 10,7%. Per capire il processo è più importante analizzare il tasso di crescita piuttosto che il valore globale.

Nonostante l’ostilità manifesta e crescente di un certo mondo occidentale nei confronti dei BRICS, le candidature e le adesioni da parte dei più svariati paesi stanno aumentando. Non crediamo che tutti siano “in guerra” con il cosiddetto occidente. Ciò dovrebbe far riflettere senza pregiudizio alcuno.

Una spiegazione, intelligente quanto preoccupante, la fornisce il Washington Post che, in un recente articolo, riporta che gli Usa hanno messo un terzo del mondo sotto sanzioni. Non solo, ma ben il 60% di tutti i Paesi a basso reddito. Oggi più di 15.000 sanzioni economiche sono operative!

WP rivela che non pochi esperti e funzionari di vari governi americani hanno espresso dubbi sull’effettiva efficacia delle sanzioni, ammettendo che esse sono diventate lo strumento principale, quasi automatico, della politica estera americana. Ciò, di riflesso, avrebbe indotto a sottovalutarne anche i possibili danni collaterali. Il quotidiano sostiene che si sarebbe addirittura favorita la crescita di ‘un’industria delle sanzioni’, multimiliardaria, composta di studi legali, lobbisti e consulenti che si occupano esclusivamente di queste.

Razionalmente dovremmo tutti essere d’accordo sulla necessità di rafforzare il multilateralismo per il giusto sviluppo globale, per la sicurezza e per la pace. Perciò noi ancora ci chiediamo perché i paesi europei e l’Ue non vogliono seguire un percorso autonomo, facendo così anzitutto il proprio interesse.

Al riguardo, significativo è il pensiero del nostro Presidente della Repubblica, Sergio Mattarella, che, in occasione della sua recente visita al Centro Brasiliano per le Relazioni Internazionali (CEBRI) di Rio de Janeiro, in Brasile, il paese che nel 2024 detiene la presidenza del G20 e che nel 2025 avrà quella dei BRICS , ha sostenuto che siamo di fronte a grandi sfide globali “che riguardano tutti, che coinvolgono il concetto – usato talvolta in modo vago – di ‘Occidente’, tanto quanto il concetto, definito talora in maniera strumentale – di Sud Globale. Questo è un tempo che richiede dialogo e confronto.”.

Ricordando, inoltre, la vocazione inclusiva della politica estera italiana, ha evidenziato “la necessità di un multilateralismo in cui i paesi del Sud Globale possano esprimere con efficacia la loro voce protagonista e il loro peso.”. Questa anche a noi sembra la strada più sicura per lo sviluppo e per la pace nel mondo.

L’insupportable manichéisme de la gauche « anti-impérialiste ». William Robinson. Septembre 2023

Le socialiste allemand August Bebel a dit un jour que l’antisémitisme était le «  socialisme des imbéciles » parce que les antisémites ne reconnaissaient l’exploitation capitaliste que si l’exploiteur était juif, mais qu’ils fermaient les yeux sur l’exploitation émanant d’autres milieux.

Plus d’un siècle plus tard, ce socialisme des imbéciles a été ressuscité par une gauche autoproclamée « anti-impérialiste » qui condamne l’exploitation capitaliste et la répression dans le monde entier lorsqu’elles sont pratiquées par les États-Unis et d’autres puissances occidentales ou par les gouvernements qu’ils soutiennent, tout en fermant les yeux sur les États répressifs, autoritaires et dictatoriaux, voire en les défendant, simplement parce que ces États sont en butte à l’hostilité de Washington. Je discuterai des cas de la Chine, du Nicaragua, des BRICS et de la multipolarité, car ils mettent en évidence la logique alambiquée et la politique rétrograde de cette gauche « anti-impérialiste ».

Les politiques d’exploitation capitaliste et de contrôle social dans le monde sont fondamentalement façonnées par la contradiction entre une économie intégrée au niveau mondial et un système de domination politique basé sur les États-nations.

La mondialisation économique et l’intégration transnationale des capitaux donnent une impulsion centripète au capitalisme mondial, tandis que la fragmentation politique donne une puissante contre-impulsion centrifuge qui se traduit par une escalade des conflits géopolitiques. Le gouffre se creuse rapidement entre l’unité économique du capital mondial et la concurrence politique entre les groupes dirigeants qui doivent rechercher la légitimité et empêcher l’ordre social interne de leurs nations respectives de se fracturer face à l’escalade de la crise du capitalisme mondial.

Cette conjoncture mondiale est la toile de fond du « socialisme des fous » contemporain. J’aborderai ici les cas de la Chine, du Nicaragua, des BRICS et de la multipolarité, car ils mettent en évidence la logique alambiquée et la politique rétrograde de la gauche « anti-impérialiste ».

La chine et le développement capitaliste

Le capitalisme aux caractéristiques chinoises a impliqué la montée en puissance de puissants capitalistes transnationaux chinois, fusionnés avec une élite du parti d’État dépendant de la reproduction du capital et des couches moyennes à forte consommation, alimentée par une vague dévastatrice d’accumulation primitive dans les campagnes et l’exploitation de centaines de millions de travailleurs et de travailleuses chinoises.

La Chine est aujourd’hui l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Les grèves et les syndicats indépendants ne sont pas légaux en Chine. Le parti communiste chinois a depuis longtemps abandonné toute idée de lutte des classes ou de pouvoir des travailleurs et des travailleuses. Les luttes ouvrières continuent de s’intensifier dans le pays, tout comme la répression de l’État à leur égard. Il est vrai que le développement capitaliste a permis à des millions de personnes de sortir de l’extrême pauvreté et a entraîné une industrialisation rapide, des progrès technologiques et des infrastructures de pointe.

Il est tout aussi vrai que les principaux pays d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale ont connu ces réalisations au cours de leurs périodes de développement capitaliste rapide, de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle. La gauche n’a jamais considéré ce développement capitaliste en Occident comme une victoire pour la classe ouvrière et n’a jamais perdu de vue le lien entre ce développement et la loi de l’accumulation combinée et inégale dans le système capitaliste mondial. La Chine est en train de « rattraper son retard ».

Le modèle chinois repose sur un complexe d’entreprises publiques-privées dans lequel le capital privé représente trois cinquièmes de la production et quatre cinquièmes de l’emploi urbain. La Chine n’a pas suivi la voie néolibérale de l’intégration capitaliste transnationale. L’État joue un rôle clé dans le système financier, dans la régulation du capital privé, dans les dépenses publiques massives, en particulier dans les infrastructures, et dans la planification.

Il s’agit peut-être d’un modèle de développement capitaliste différent de la variante néolibérale occidentale, mais il obéit toujours aux lois de l’accumulation du capital. Après l’ouverture au capitalisme mondial dans les années 1980, la Chine est devenue un marché pour les sociétés transnationales et un puits pour le capital excédentaire accumulé, capable de tirer parti d’une vaste offre de main-d’œuvre bon marché contrôlée par un État répressif omniprésent. Toutefois, au tournant du siècle, des pressions se sont exercées pour trouver des débouchés à l’étranger pour les excédents de capitaux chinois accumulés au cours des années de développement capitaliste effréné.

Le maintien de ce développement dépend désormais de l’exportation de capitaux à l’étranger. Au cours des deux premières décennies du XXIe siècle, la Chine a été à la tête d’une vague d’investissements directs à l’étranger vers les pays du Sud et du Nord, approfondissant l’intégration transnationale des capitaux et accélérant la transformation capitaliste dans les pays où elle investit. Entre 1991 et 2003, les investissements directs étrangers de la Chine ont été multipliés par 10, puis par 13,7 entre 2004 et 2013, passant de 45 milliards de dollars à 613 milliards de dollars. En 2015, la Chine est devenue le troisième investisseur étranger au monde. Ses IDE sortants ont commencé à dépasser les IDE entrants et le pays est devenu un créancier net. Que se passe-t-il lorsque ces IDE chinois sortants touchent les pays de l’ancien tiers-monde ?

Les déplacements et l’extraction deviennent une « coopération sud-sud ».

Ces dernières années, les communautés indigènes de la province péruvienne d’Apurímac ont mené des luttes sanglantes contre la mine de cuivre à ciel ouvert Las Bambas, détenue et exploitée par des Chinois, l’une des plus grandes au monde, qui ont fait des dizaines de morts et de blessés. En fait, l’État péruvien vend légalement des services de police aux sociétés minières, ce qui permet au MMG chinois d’acheter de la force physique à la police pour faire avancer l’extraction du cuivre par des moyens violents.

Alors que cet espace extractif sino-péruvien et d’autres comme lui sont présentés par les « anti-impérialistes » comme un modèle de coopération Sud-Sud et de modernisation post-occidentale, les observateurs et observatrices attentives reconnaîtront immédiatement la structure classique de l’extraction impérialiste, par laquelle le capital transnational déplace les communautés et s’approprie les ressources sous la protection politique et militaire des États locaux chargés de réprimer violemment la résistance à l’expulsion et à l’exploitation.

Le schéma est le même dans toute l’Amérique latine. Les banques chinoises ont accordé plus de 137 milliards de dollars de prêts pour financer des projets d’infrastructure, d’énergie et d’exploitation minière. Une étude réalisée par une coalition de groupes de défense de l’environnement et des droits des êtres humains a examiné 26 projets en Argentine, en Bolivie, au Brésil, au Chili, en Colombie, en Équateur, au Mexique, au Pérou et au Venezuela. Elle a constaté des violations généralisées des droits des êtres humains, le déplacement de communautés locales, la dévastation de l’environnement et des conflits violents partout où des investissements chinois dans des mines et des mégaprojets ont eu lieu.

Les défenseur·esses des pratiques de prêt de la Chine affirment que ces prêts sont différents de ceux provenant de l’Occident parce qu’ils n’imposent pas de conditionnalité comme le font les prêteurs occidentaux. Ce n’est pas tout à fait vrai. Mais même si c’était le cas, quelle différence cela ferait-il pour les travailleurs et les travailleuses, les paysan·nes et les communautés indigènes qui résistent à l’exploitation, à la répression et à la destruction de l’environnement associées au capital chinois en collaboration avec des investisseurs transnationaux venus d’ailleurs et des États capitalistes locaux ?

La question n’est pas de savoir si le capital chinois est pire ou meilleur que le capital provenant d’autres pays. Le capital est du capital, quelle que soit l’identité nationale ou l’appartenance ethnique de ses détenteurs. Cependant, lorsqu’un État capitaliste occidental et un État capitaliste du Sud coopèrent pour imposer des mégaprojets aux communautés locales ou pour faciliter le pillage des entreprises transnationales dans l’extraction ou l’industrie, cela est condamné comme de l’exploitation par l’impérialisme et les classes dirigeantes locales. Lorsque deux États capitalistes du Sud coopèrent pour réaliser les mêmes mégaprojets et exploiter les mêmes entreprises, on les acclame en tant que « coopération Sud-Sud » progressiste et anti-impérialiste et en tant qu’« apporteur de développement ».

Des organisations telles que Tricontinental, dirigée par Vijay Prashad, vantent le rôle de la Chine dans l’ancien tiers-monde comme étant « mutuellement bénéfique », « contribuant au développement » et « gagnant-gagnant » pour la Chine et les pays dans lesquels ses entreprises investissent. Devons-nous vraiment croire que les investisseurs chinois étendent les zones franches d’exportation et délocalisent la production industrielle à forte intensité de main-d’œuvre de la Chine vers des zones à bas salaires en Éthiopie, au Viêt Nam et ailleurs, non pas pour faire des bénéfices, mais pour « aider ces pays à se développer » ?

N’est-ce pas là le même discours de légitimation que celui de la Banque mondiale ? Reprenant le discours de légitimation de l’élite de l’État-parti chinois, la Tricontinentale a également insisté sur le fait que « la montée pacifique du socialisme aux caractéristiques chinoises » constituait une alternative à l’impérialisme occidental. C’est vrai. Mais pas une alternative à la dépossession et à l’exploitation capitaliste. Le développement capitaliste n’est pas un processus neutre du point de vue des classes. Il s’agit par définition d’un projet de classe de la bourgeoisie. Le développement capitaliste, qu’il vienne de l’Ouest ou de l’Est, consiste à étendre les frontières de l’accumulation.

Le détournement de la souveraineté et de la solidarité

La gauche « anti-impérialiste » dénonce à juste titre la propagande occidentale, mais elle semble incapable de dénoncer ou même de reconnaître la propagande non occidentale dans le monde, ou pire encore, elle se fait la perroquet de cette même propagande. Le Nicaragua est un cas d’école. Le régime d’Ortega s’est avéré habile à utiliser un langage radical et une rhétorique anti-impérialiste pour obtenir un soutien réflexif de la part de la gauche internationale. Ortega est revenu au pouvoir en 2007 grâce à un pacte avec l’oligarchie traditionnelle de droite du pays, les anciens membres de la contre-révolution armée, la hiérarchie conservatrice de l’Église catholique et les sectes évangéliques. Promettant un respect absolu de la propriété privée et une liberté illimitée pour le capital, il a commencé à co-gouverner jusqu’en 2018 avec la classe capitaliste, en accordant au capital transnational des exonérations fiscales généralisées de dix ans, une déréglementation, une liberté illimitée de rapatrier les bénéfices et la répression des travailleurs et des travailleuse s en grève. Quatre-vingt-seize pour cent de la propriété du pays reste entre les mains du secteur privé. La dictature a réprimé toute dissidence et fermé plus de 3 500 organisations de la société civile depuis 2018 – dans un pays d’à peine six millions d’habitants – parce qu’elle considère toute vie civique en dehors de la sienne comme une menace.

De nombreux progressistes peuvent être réellement confus en raison du soutien bien mérité que la révolution sandiniste de 1979-1990 a recueilli dans le monde entier et de l’histoire de l’intervention brutale des États-Unis contre le pays. Cette révolution est morte en 1990 et ce qui est arrivé au pouvoir en 2007 sous Ortega est tout sauf une révolution. Pourtant, la gauche « anti-impérialiste » a choisi d’embrasser chaleureusement la dictature, justifiée par les prétendues tentatives américaines de déstabilisation du régime et au nom de la « souveraineté ». Mais les faits ne confirment pas l’affirmation de ces détracteurs et détractrices selon laquelle les États-Unis poussent à un « changement de régime contre-révolutionnaire » contre Ortega, en dépit de la rhétorique sabre au clair de Washington.

Le Nicaragua ne fait pas l’objet de sanctions en matière de commerce ou d’investissement. Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du pays – les échanges bilatéraux ont dépassé les 8,3 milliards de dollars en 2022 – et les investissements des entreprises transnationales continuent d’affluer, tout comme les prêts multilatéraux accordés à la Banque centrale. Il n’y a pas d’intervention militaire ou paramilitaire américaine. Pourtant, aucun de ces faits n’a empêché l’organisation américaine Code Pink, entre autres, d’affirmer que le gouvernement d’Ortega est un « gouvernement socialiste » soumis à la pression de « sanctions dévastatrices » et confronté à de « violentes tentatives de coup d’État ».

Washington mène de véritables campagnes de déstabilisation, non pas contre Ortega, mais contre l’Iran, le Venezuela et d’autres pays. De tels crimes doivent être condamnés avec véhémence par tout·es progressiste s digne de ce nom. Mais cela ne dispense pas la gauche de s’engager en faveur de l’internationalisme et de la solidarité avec les opprimé·es, simplement parce que nous résistons aux prétentions impériales des États-Unis dans le monde entier. La gauche « anti-impérialiste » vous dira le contraire. Tenez compte de l’avertissement de la journaliste Caitlin Johnstone : si vous vivez dans un pays occidental, « il ne vous est tout simplement pas possible de prêter votre voix à la cause des manifestant·es dans les pays ciblés par l’empire sans faciliter les campagnes de propagande de l’empire sur ces manifestations. Vous avez soit une relation responsable avec cette réalité, soit une relation irresponsable ». C’est aussi simple que cela. Prolétaires de certains pays unissez-vous !

Les « anti-impérialistes » sont revenu·es à une conception de la souveraineté, non pas des peuples ou des classes populaires, mais des dirigeants des pays qu’elles et ils défendent. Les luttes anticoloniales et anti-impérialistes du XXe siècle ont défendu la souveraineté nationale – et non étatique – face aux ingérences des puissances impériales. Les États capitalistes utilisent cette revendication de souveraineté comme un « droit » d’exploiter et d’opprimer à l’intérieur des frontières nationales, sans ingérence extérieure. La gauche n’a aucun scrupule à « violer la souveraineté nationale » pour condamner les violations des droits des êtres humains commises par les régimes pro-occidentaux, pas plus qu’elle ne devrait le faire pour défendre les droits des êtres humains dans les régimes qui n’ont pas les faveurs de Washington.

L’internationalisme prolétarien appelle les classes laborieuses et opprimées d’un pays à étendre leur solidarité non pas aux États, mais aux luttes des classes laborieuses et opprimées d’autres pays. Les États méritent le soutien de la gauche dans la mesure – et seulement dans la mesure – où ils font avancer les luttes émancipatrices des classes populaires et ouvrières, où ils font avancer, ou sont forcés de faire avancer, des politiques qui favorisent ces classes. Les « anti-impérialistes » confondent l’État avec la nation, le pays et le peuple, en n’ayant généralement aucune conception théorique de ces catégories et en privilégiant une orientation politique populiste par rapport à une orientation de classe. La gauche a condamné l’invasion et l’occupation de l’Irak par les États-Unis au début du siècle. Nous ne l’avons pas fait parce que nous soutenions le régime de Saddam Hussein – seul un imbécile aurait pu le faire – mais parce que nous étions solidaires du peuple irakien et parce que l’ensemble du projet impérial pour le Moyen-Orient équivalait à une attaque contre les pauvres et les opprimé·es partout dans le monde.

Brics : remplacer la contradiction capital-travail par une contradiction nord-sud

Les « anti-impérialistes » acclament les BRICS comme un défi du Sud au capitalisme mondial, une option progressiste, voire anti-impérialiste, pour l’humanité. Elles et ils ne peuvent faire une telle affirmation qu’en réduisant le capitalisme et l’impérialisme à la suprématie occidentale dans le système international. À l’apogée du colonialisme et dans ses suites immédiates, les classes dirigeantes locales étaient, au mieux, anti-impérialistes mais pas anticapitalistes. Leur nationalisme effaçait les classes en proclamant une identité d’intérêts entre les citoyen·nes d’un pays donné. Ce nationalisme avait un côté progressiste et parfois même radical dans la mesure où toutes et tous les membres du pays en question étaient opprimé·es par la domination coloniale, les systèmes de castes qu’elle imposait et la suppression du capital indigène. Les « anti-impérialistes » d’aujourd’hui affichent leur enthousiasme pour les BRICS en tant que « projet du tiers-monde » ravivé, selon les termes de Prashad, une nostalgie désuète pour ce moment anticolonial du milieu du vingtième siècle qui masque les contradictions de classe internes ainsi que le réseau de relations de classe transnationales dans lequel elles sont enchevêtrées. Deux références suffiront à illustrer à quel point cette pensée est déconnectée de la réalité du XXIe siècle.

Il y a plusieurs années, j’ai eu l’occasion de donner une conférence à Manille à un groupe de militant·es révolutionnaires philippin·nes. L’une des participantes, originaire de l’Inde, s’est opposée à mon analyse de la montée en puissance d’une classe capitaliste transnationale intégrant de puissants contingents de l’ancien tiers-monde. Elle m’a dit qu’en Inde, « nous luttons contre l’impérialisme et pour la libération nationale ». Je lui ai demandé ce qu’elle entendait par là. Elle m’a répondu que les capitalistes de base exploitaient les travailleurs et les travailleuses indiennes et transféraient le surplus aux pays impérialistes selon les principes analysés par Lénine. Par pure coïncidence, la semaine même de mon intervention, le conglomérat mondial d’entreprises basé en Inde, le groupe Tata, qui opère dans plus de 100 pays sur six continents, avait acquis une série d’entreprises emblématiques de son ancien maître colonial britannique, parmi lesquelles Land Rover, Jaguar, Tetley Tea, British Steel et les supermarchés Tesco, faisant de Tata le plus grand employeur du Royaume-Uni. Ainsi, les capitalistes basés en Inde sont devenus les plus grands exploiteurs de travailleurs britanniques. Selon la logique dépassée de cette femme, le Royaume-Uni était désormais la victime de l’impérialisme indien !

Peu après sa première investiture, en 2003, puis en 2010 lors de son second mandat présidentiel, le président brésilien Lula a embarqué dans un avion gouvernemental des dirigeants d’entreprises brésiliennes et s’est rendu en Afrique. L’entourage présidentiel et corporatif a fait pression sur le Mozambique et d’autres pays africains pour qu’ils s’ouvrent à l’investissement dans les abondantes ressources minérales du continent par la société minière transnationale basée au Brésil, Vale, qui opère également sur les six continents, sous la rhétorique de la « solidarité Sud-Sud ». On ne voit pas bien ce qu’il y a d’anti-impérialiste, et encore moins d’anticapitaliste, dans les safaris africains de Lula et, par extension, dans le programme de « coopération Sud-Sud » qu’ils incarnent, ni pourquoi la gauche devrait applaudir l’expansion des capitaux brésiliens en Afrique, des capitaux chinois en Amérique latine, des capitaux russes en Asie centrale ou des capitaux indiens au Royaume-Uni.

Nous pouvons soutenir les politiques (légèrement) redistributives à l’intérieur du pays et la politique étrangère dynamique à l’étranger de gouvernements tels que celui de Lula. Tous les États capitalistes ne sont pas identiques et la composition du gouvernement a une grande importance. Mais un gouvernement « progressiste » n’est pas socialiste et n’est pas nécessairement anti-impérialiste. Pour les myopes, l’expansion des capitaux chinois, indiens ou brésiliens est perçue comme une sorte de libération de l’impérialisme. Que penser de l’étrange affirmation du Geopolitical Economy Research Group, basé au Canada, et de l’International Manifesto Group qu’il parraine, pour qui l’engagement idéologique prime sur les faits, selon laquelle les BRICS sont « parmi les réussites les plus connues » dans les efforts visant à promouvoir « un développement et une industrialisation nationaux autonomes et égalitaires afin de briser les chaînes impérialistes » ?

Si les BRICS ne représentent pas une alternative au capitalisme mondial et à la domination du capital transnational, ils signalent le passage à un système interétatique plus multipolaire et plus équilibré au sein de l’ordre capitaliste mondial. Mais un tel système interétatique multipolaire fait toujours partie d’un monde capitaliste mondial brutal et exploiteur, dans lequel les capitalistes et les États des BRICS sont tout autant engagés dans le contrôle et l’exploitation des classes ouvrières et populaires mondiales que leurs homologues du Nord. À mesure que le nombre de membres des BRICS augmente, les nouveaux candidats à l’adhésion au bloc en 2023 comprennent des États magnifiquement « autonomes et égalitaires » qui luttent contre les   chaînes impérialistes », tels que l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Bahreïn, l’Afghanistan, le Nigéria et le Kazakhstan.

Multipolarité : le nouvel albatros

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et la réponse politique, militaire et économique radicale de l’Occident pourraient marquer le coup de grâce d’un ordre interétatique décadent de l’après-Seconde Guerre mondiale. Un capitalisme mondial de plus en plus intégré est incompatible avec un ordre politique international et une architecture financière contrôlés par les États-Unis et l’Occident, ainsi qu’avec une économie mondiale exclusivement libellée en dollars. Nous sommes à l’aube d’une reconfiguration radicale des alignements géopolitiques mondiaux au rythme de l’escalade des turbulences économiques et du chaos politique. Pourtant, la crise de l’hégémonie dans l’ordre international a lieu au sein de cette économie mondiale unique et intégrée. Le pluralisme capitaliste mondial émergent peut offrir une plus grande marge de manœuvre aux luttes populaires dans le monde entier, mais un monde politiquement multipolaire ne signifie pas que les pôles émergents du capitalisme mondial sont moins exploitants ou oppressifs que les centres établis.

Au contraire, l’Occident établi et les centres émergents de ce monde polycentrique convergent vers des tropes de « grandes puissances » remarquablement similaires, en particulier le nationalisme chauvin – souvent ethnique – et la nostalgie d’une « civilisation glorieuse » mythifiée qu’il faut maintenant retrouver. Les récits spengleriens diffèrent d’un pays à l’autre en fonction de l’histoire et de la culture. En Chine, l’hyper-nationalisme se combine à l’obéissance confucéenne à l’autorité, à la suprématie de l’ethnie Han et à une nouvelle Longue Marche pour retrouver le statut de grande puissance. Pour Poutine, c’est l’époque glorieuse d’un empire « grand-russe » ancré en Eurasie, soutenu politiquement par un conservatisme patriarcal extrême que Poutine qualifie de « valeurs spirituelles et morales traditionnelles » incarnant « l’essence spirituelle de la nation russe face à l’Occident en décomposition ». Aux États-Unis, il s’agit de la bravade hyper-impériale d’une Pax Americana en déclin, légitimée par la doctrine de l’« exceptionnalisme américain » et par la grandiloquence de la « démocratie et de la liberté », à la marge de laquelle s’est toujours trouvée la suprématie blanche, aujourd’hui incarnée dans un mouvement fasciste en plein essor sous la forme de la « théorie du remplacement ». On pourrait y ajouter le pan-turquisme, le nationalisme hindou et d’autres idéologies quasi-fascistes dans ce monde polycentrique en plein essor. Rendre l’Amérique grande à nouveau ! Rendre la Chine grande à nouveau ! Rendre à la Russie sa grandeur !

Les États-Unis sont peut-être le chef de file et le criminel le plus dangereux parmi les cartels concurrents d’États criminels. Nous devons condamner Washington pour avoir déclenché une nouvelle guerre froide et pour avoir poussé la Russie à envahir l’Ukraine par le biais d’une expansion agressive de l’OTAN. Pourtant, la gauche « anti-impérialiste » insiste sur le fait qu’il n’y a qu’un seul ennemi, les États-Unis et leurs alliés. Il s’agit d’une histoire manichéenne de « l’Occident et les autres ». Ce récit métaphysique de la guerre des étoiles sur la lutte vertueuse contre l’Empire du Mal finit par légitimer l’invasion russe de l’Ukraine. Et comme dans la Guerre des étoiles, il devient difficile de distinguer le bavardage fantastique d’un monde imaginaire du bavardage de la gauche « anti-impérialiste ».

William I. Robinson, 4 septembre 2023

La Russie sous Poutine : « Il y a une guerre culturelle contre le peuple lui-même ».Aout 2024.

Comme ses camarades, Ilya Budraitskis a été persécuté par le régime de Poutine. Membre du Mouvement socialiste russe, il est un opposant à la guerre en Ukraine et à Vladimir Poutine. Dans une interview exclusive, il a évoqué avec « esquerda.net » la harcèlement politique et le modèle idéologique adopté par le gouvernement russe pour légitimer son impérialisme et l’invasion de l’Ukraine.

L’invasion de l’Ukraine a entraîné une guerre qui, deux ans plus tard, se poursuit sans que l’on puisse en voir la fin. Entre l’occupation des territoires de l’est de l’Ukraine et la persécution des mouvements politiques dans son propre pays, Poutine a fait la démonstration de son appétit impérialiste et de son autoritarisme. Le moteur de ces actions, explique Ilya Budraitskis, est l’idéologie que le régime autocratique russe a commencé à propager dans les écoles et les universités, qui justifie l’impérialisme russe par une différenciation culturelle et génétique entre les peuples.

Ilya Budraitskis est un militant socialiste, membre du Mouvement socialiste russe. Théoricien politique, historien et auteur de plusieurs ouvrages, Ilya a vécu de nombreuses années à Moscou, où il a mené une activité militante. Il fait partie du comité de rédaction du site web socialiste russe Posle.media. Il publie des articles dans New Left Review, Jacobin, Le Monde Diplomatique, Inprecor, Open Democracy et Slavic Review, entre autres.

Le Mouvement socialiste russe (MSR) a fait l’objet de poursuites de la part du régime de Poutine, qui a intensifié la persécution des groupes politiques d’opposition après l’invasion de l’Ukraine et l’a qualifié d’« agent étranger ». Aujourd’hui, de nombreux membres du MSR vivent hors de Russie, dissidents hors de leur pays, chassés par la répression d’un gouvernement autoritaire.

Poutine s’acharne sur le Mouvement socialiste russe

Daniel Moura Borges – Comment le Mouvement socialiste russe a-t-il fait face à son étiquetage comme « agent extérieur » et à la répression dont il a fait l’objet de la part du régime de Poutine ?

Ilya Budraitskis – La situation au sein de l’organisation était assez compliquée avant même qu’elle ne soit étiquetée comme « agent de l’étranger », car beaucoup de ses principaux militants avaient quitté le pays. Aujourd’hui, ces personnes se trouvent en Allemagne, en France et dans d’autres pays encore. Avec cette étiquette d’« agent étranger », il n’est pas possible de maintenir une quelconque communication politique. C’est pourquoi, après avoir été qualifiés ainsi, nous avons publié une déclaration disant que nous avions dissous l’organisation.

Vous avez déjà dit que vous considériez cette qualification d’« agent étranger » comme un médaille d’honneur. Que faut-il entendre par là ?

Lorsque cette loi a été adoptée il y a une dizaine d’années, le principal argument sous-jacent était le suivant : « Nous sommes contre l’ingérence étrangère dans la politique russe ». Toute personne ayant reçu une aide financière de l’étranger a été qualifiée d’« agent étranger ». Entre-temps, la loi a été prorogée. Aujourd’hui, lorsqu’ils donnent un motif pour cette qualification, c’est : « Ces personnes diffusent de fausses informations sur les actions de l’armée russe ». En effet, il ne s’agit pas d’une attitude patriotique. Ainsi, derrière cet étiquetage, on trouve la volonté [du régime de Poutine] de détruire notre groupe politique parce qu’il a un programme clairement anti-guerre. Alors oui, nous en sommes fiers.

C’est une pratique à laquelle les gouvernements d’extrême droite ont de plus en plus recours. Orbán a également commencé à harceler les médias qu’il qualifie d’« agents extérieurs ».

Oui, et la Russie montre très bien jusqu’où ce type de législation peut aller. Aujourd’hui, quelqu’un peut être qualifié d’« agent extérieur » même s’il ne bénéficie d’aucune aide financière. Ils peuvent dire que cette personne diffuse des idées d’origine étrangère qui s’éloignent d’une véritable ligne patriotique.

Si nous voulons comprendre l’extrême droite du XXIe siècle, nous devons regarder la Russie

Dans ce contexte de persécution, comment le mouvement anti-guerre s’organise-t-il en Russie ?

En Russie, il y a une censure très pesante et une pression policière très forte sur tout type de déclaration anti-guerre. Par conséquent, toute expression publique d’une position anti-guerre peut conduire à une arrestation immédiate. Il est impossible de distribuer des tracts ou d’organiser des piquets. Cela ne peut se faire qu’indirectement. Par exemple, l’année dernière, nous avons vu se développer le mouvement des parents de jeunes hommes qui ont été mobilisés dans l’armée. Ils ont été mobilisés à l’automne 2022 et ne sont toujours rentrés. Ils [les parents] exigent donc que les soldats reviennent à la maison. Donc, c’est comme ça que l’on peut trouver des moyens différents d’exprimer un sentiment anti-guerre.

Il s’agit d’une guerre culturelle contre la population elle-même, et nous savons que les guerres culturelles sont généralement un moyen de polariser le processus électoral.

Vous avez récemment écrit sur la façon dont la guerre a été un facteur de changement radical, à la fois dans le régime de Poutine et dans l’organisation des mouvements socialistes. Selon vous, quel est le bilan de la guerre pour le régime actuel ?

Lorsque le régime s’est trouvé dans la situation de gérer une guerre à long terme, après l’échec de la première tentative de changement de régime [en Ukraine] avec l’aide de l’armée russe, il a commencé à parler beaucoup d’idéologie.

Sur le fait que nous, en tant que société, devions avoir une idéologie, que nous devions inscrire l’idéologie dans la Constitution, qu’il nous fallait rééduquer la société pour qu’elle perçoive la Russie comme une civilisation à part entière. À partir de ce moment-là, ils ont élaboré un programme en ce sens. Aujourd’hui, ce programme est appliqué dans les écoles et il a également commencé à l’être dans les universités.

L’autre aspect de ce programme de rééducation de la société est la censure. Non seulement des opinions anti-guerre, mais aussi dans la religion avec la promotion d’une ligne cléricale réactionnaire pesante en faveur des valeurs familiales traditionnelles. Tout ce qui est LGBT ou féministe est éliminé. Il s’agit d’une guerre culturelle contre la population elle-même, et nous savons que les guerres culturelles fonctionnent généralement comme un moyen de polariser le processus électoral.

Quel est le lien entre ce processus de rééducation de la société et les théories politiques de Douguine sur l’idéologie ?

Douguine est devenu une figure de plus en plus influente au cours des deux dernières années. Mais je pense que son influence est encore quelque peu surestimée. Il ne fait aucun doute que certaines de ses idées ont influencé la ligne actuelle de l’État. Son idée principale, qui est aussi celle de l’idéologie d’État en Russie, est l’idée que chaque civilisation a des modes de pensée et des formes de comportement qui lui sont propres. Il y a une négation de toute universalité humaine. C’est extrêmement dangereux. C’est une idée qui a pris gagné en influence en Russie, mais qui s’est également répandue dans l’extrême droite européenne.

Comment cela se traduit-il dans la société russe ?

Dans les cours d’idéologie des universités, on trouve une définition très précise de l’ADN russe. Elle aurait un caractère organique et héréditaire. Le fait d’être russe serait lié au sang et au corps. Ils utilisent également cette notion d’ADN comme l’idée d’un code culturel. Il existerait ainsi des idées, des perceptions ou des visions du monde précises qui n’appartiendraient qu’aux détenteurs de cet ADN. C’est ce type de politique identitaire qui est devenu une ligne officielle de l’État.

De quelle manière pensez-vous que la ligne idéologique actuelle de l’État russe soit en rapport avec les relations que la Fédération de Russie entretient avec tous les autres États qui l’entourent ?

Le type de nationalisme que la Russie affiche aujourd’hui est un nationalisme impérial. C’est un nationalisme qui est toujours de nature contradictoire car il y a ces deux notions d’empire et de nation. Le concept de nationalisme impérial en Russie est hérité de la fin de l’Empire russe. Tous ces discours selon lesquels l’Ukraine n’existe pas en tant que nation parce qu’elle fait partie d’une nation russe plus vaste sont issus de ce nationalisme impérial du 19e siècle. L’idée est que cet empire doit être russe. Les Russes doivent dominer parce qu’ils apportent une sorte d’harmonie à cette famille de peuples différents.

Voyez-vous dans cette guerre un signe de l’intensification des contradictions d’un monde multipolaire, où plusieurs empires se disputent l’hégémonie internationale ?

Oui, bien sûr. L’un des principaux objectifs de Poutine avec l’invasion de l’Ukraine était de changer le système international. Mais je pense qu’il y avait aussi une sorte de programme idéologique derrière ce changement. Et ce programme idéologique est né de cette idée de pluralité des civilisations. Dans cette optique, l’ensemble de l’espace post-soviétique appartient naturellement à la sphère d’influence russe parce qu’il fait partie de cette grande civilisation. Et il n’y a pas de place dans cette vision du monde pour ces petites nations, car elles doivent toutes être divisées entre les grandes puissances impériales. C’est une sorte de vision du monde qui est impérialiste non seulement dans ses ambitions, mais aussi dans son idéologie.

Nous devons revoir tous les fondements sociaux et économiques du régime actuel, qui repose toujours sur les privatisations extrêmement injustes qui ont eu lieu dans les années 1990 et sur les politiques néolibérales mises en œuvre par Poutine.

Quelle est votre analyse de la situation actuelle dans la guerre avec l’Ukraine, en particulier de la percée ukrainienne à Koursk ?

Je pense que c’était tactiquement très intelligent. Très risqué, mais très intelligent. Parce que cette opération met en cause le modèle selon lequel la Russie poursuit cette guerre. L’Ukraine a lancé cette opération pour provoquer Poutine, mais l’autre objectif était de provoquer une instabilité politique en Russie. Car pour la plupart des Russes, il existe une grande différence entre les territoires occupés par l’Ukraine, qu’ils [l’État russe] appellent les nouveaux territoires russes, et les anciens territoires russes. Koursk est un territoire ancien. Je pense donc que cela pourrait modifier la corrélation actuelle des forces. Et j’espère que cela conduira à des négociations de paix, non pas dans la perspective d’une capitulation de l’Ukraine, mais à partir d’une position plus équilibrée.

Vous avez écrit à plusieurs occasions sur la nécessité d’un programme révolutionnaire pour la Russie. Qu’est-ce que cela signifie à l’heure actuelle ?

Le programme de changement politique en Russie est très lié au changement démocratique. Mais je pense que nous, à gauche, ne devrions pas comprendre la démocratie uniquement d’une manière libérale. Pas seulement sous la forme d’institutions formelles. La démocratie, c’est la participation directe à la vie collective. En ce sens, nous devons démocratiser le pays, revoir tous les fondements sociaux et économiques du régime actuel, qui repose toujours sur les privatisations extrêmement injustes qui ont eu lieu dans les années 1990 et sur les politiques néolibérales mises en œuvre par Poutine. Nous devons également faire de la Russie une véritable fédération, car pour l’instant, elle n’a de fédération que le nom. En réalité, il s’agit d’un État fortement centralisé qui n’accorde aucun droit aux régions et surtout aux minorités nationales. Enfin, nous devons abandonner ce discours sur les civilisations différentes . Car l’humanité est confrontée à des problèmes immédiats, tels que le changement climatique, l’inégalité au niveau mondial, la faim. Et je crois que la Russie, en tant que grand pays, en tant que puissance nucléaire, doit enfin prendre sa part de responsabilité.

La Ecología Política en América Latina. Un campo en construcción. Enrique Leff. 2003 

Emergencia de la Ecología Política

1 La ecología política se encuentra en el momento fundacional de un campo teórico-práctico. Es la construcción de un nuevo territorio del pensamiento crítico y de la acción política. Situar este campo en la geografía del saber no es tan sólo delimitar su espacio, fijar sus fronteras y colocar membranas permeables con disciplinas adyacentes. Más bien implica desbrozar el terreno, dislocar las rocas conceptuales y movilizar el arado discursivo que conforman su suelo original para construir las bases seminales que den identidad y soporte a este nuevo territorio; para pensarlo en su emergencia y en su trascendencia en la configuración de la complejidad ambiental de nuestro tiempo y en la construcción de un futuro sustentable.

2 La ecología política en germen abre una pregunta sobre la mutación más reciente de la condición existencial del hombre. Partiendo de una crítica radical de los fundamentos ontológicos y metafísicos de la epistemología moderna, más allá de una política fundada en la diversidad biológica, en el orden ecológica y en la organización simbólica que dan su identidad a cada cultura, la ecología política viene a interrogar la condición del ser en el vacío de sentido y la falta de referentes generada por el dominio de lo virtual sobre lo real y lo simbólico, de un mundo donde parafraseando a Marshal Berman, todo lo sólido se desvanece en el aire. A la ecología política le conciernen no sólo los conflictos de distribución ecológica, sino el explorar con nueva luz las relaciones de poder que se entretejen entre los mundos de vida de las personas y el mundo globalizado.

3 Pues si la mirada del mundo desde la hermenéutica y el constructivismo ha superado la visión determinista de la historia y el objetivismo de lo real, si el mundo está abierto al azar y a la incertidumbre, al caos y al descontrol, al diseño y a la simulación, tenemos que preguntarnos, ¿que grado de autonomía tiene la hiperrealidad del mundo sobre-economizado, hiper-tecnologizado y súper-objetivado sobre el ser? ¿en qué sentido se orienta el deseo, la utopía, el proyecto, en la reconfiguración del mundo guiado por intereses individuales, imaginarios sociales y proyectos colectivos? ¿Qué relaciones y estrategias de poder emergen en este nuevo mundo en el que el aleteo de las mariposas puede llegar a conmover, derribar y reconstruir las armaduras de hierro de la civilización moderna y las rígidas estructuras del poder y del conocimiento? ¿Qué significado adquiere la libertad, la identidad, la existencia, la política?

4 La ecología política construye su campo de estudio y de acción en el encuentro y a contracorriente de diversas disciplinas, pensamientos, éticas, comportamientos y movimientos sociales. Allí colindan, confluyen y se confunden las ramificaciones ambientales y ecológicas de nuevas disciplinas: la economía ecológica, el derecho ambiental, la sociología política, la antropología de las relaciones cultura-naturaleza, la ética política. Podemos afirmar sin embargo que no estamos ante un nuevo paradigma de conocimiento o un nuevo paradigma social. Apenas comenzamos a indagar sobre el lugar que le corresponde a un conjunto de exploraciones que no encuentran acomodo dentro de las disciplinas académicas tradicionales. La ecología política es un campo que aún no adquiere nombre propio; por ello se le designa con préstamos metafóricos de conceptos y términos provenientes de otras disciplinas para ir nombrando los conflictos derivados de

la distribución desigual y las estrategias de apropiación de los recursos ecológicos, los bienes naturales y los servicios ambientales. Las metáforas de la ecología política se hacen solidarias del límite del sentido de la globalización regida por el valor universal del mercado para catapultear al mundo hacia una reconstrucción de las relaciones de lo real y lo simbólico; de la producción y el saber.

5 La ecología política emerge en el hinterland de la economía ecológica para analizar los procesos de significación, valorización y apropiación de la naturaleza que no se resuelven ni por la vía de la valoración económica de la naturaleza ni por la asignación de normas ecológicas a la economía; estos conflictos socio-ambientales se plantean en términos de controversias derivadas de formas diversas –y muchas veces antagónicas– de significación de la naturaleza, donde los valores políticos y culturales desbordan el campo de la economía política, incluso de una economía política de los recursos naturales y servicios ambientales. De allí surge esa extraña politización de “la ecología”.

6 En la ecología política han anidado así términos que derivan de campos contiguos –la economía ecológica–, como el de distribución ecológica, definido como una categoría para comprender las externalidades ambientales y los movimientos sociales que emergen de “conflictos distributivos”; es decir, para dar cuenta de la carga desigual de los costos ecológicos y sus efectos en las variedades del ambientalismo emergente, incluyendo movimientos de resistencia al neoliberalismo, de compensación por daños ecológicos y de justicia ambiental. La distribución ecológica designa “las asimetrías o desigualdades sociales, espaciales, temporales en el uso que hacen los humanos de los recursos y servicios ambientales, comercializados o no, es decir, la disminución de los recursos naturales (incluyendo la pérdida de biodiversidad) y las cargas de la contaminación” (Martínez-Alier 1997).

7 La distribución ecológica comprende pues los procesos extraeconómicos (ecológicos y políticos) que vinculan a la economía ecológica con la ecología política, en analogía con el concepto de distribución en economía, que desplaza a la racionalidad económica al campo de la economía política. El conflicto distributivo introduce a la economía política del ambiente las condiciones ecológicas de supervivencia y producción sustentable, así como el conflicto social que emerge de las formas dominantes de apropiación de la naturaleza y la contaminación ambiental. Sin embargo, la distribución ecológica apunta hacia procesos de valoración que rebasan a la racionalidad económica en sus intentos de asignar precios de mercado y costos crematísticos al ambiente, movilizando a actores sociales por intereses materiales y simbólicos (de supervivencia, identidad, autonomía y calidad de vida), más allá de las demandas estrictamente económicas de propiedad de los medios de producción, de empleo, de distribución del ingreso y de desarrollo.

8 La distribución ecológica se refiere a la repartición desigual de los costos y potenciales ecológicos, de esas “externalidades económicas” que son inconmensurables con los valores del mercado, pero que se asumen como nuevos costos a ser internalizados por la vía de instrumentos económicos, de normas ecológicas o de los movimientos sociales que surgen y se multiplican en respuesta al deterioro del ambiente y la reapropiación de la naturaleza.

9 En este contexto se ha venido configurando un discurso reivindicativo en torno a la idea de la deuda ecológica, como un imaginario y un concepto estratégico movilizador de una conciencia de resistencia a la globalización del mercado y sus instrumentos de coerción financiera, cuestionando la legitimidad de la deuda económica de los países pobres, buena parte de ellos de América Latina. La deuda ecológica pone al descubierto la parte más grande y hasta ahora sumergida del iceberg del intercambio desigual entre países ricos y pobres, es decir, la destrucción de la base de recursos naturales de los países llamados subdesarrollados, cuyo estado de pobreza no es consustancial a una esencia cultural o a su limitación de recursos, sino que resulta de su inserción en una racionalidad económica global que ha sobre-explotado a su naturaleza, degradado a su ambiente y empobrecido a sus pueblos. Sin embargo, esta deuda ecológica resulta inconmensurable, pues no hay tasas de descuento que logren actualizarla ni instrumento que logre medirla. Se trata de un despojo histórico, del pillaje de la naturaleza y subyugación de sus culturas que se enmascara en un mal supuesto efecto de la dotación y uso eficaz y eficiente de sus factores productivos.

10 Hoy, este pillaje del tercer mundo se proyecta al futuro, a través de los mecanismos de apropiación de la naturaleza por la vía de la etno-bio-prospección y los derechos de propiedad intelectual del “Norte” sobre los derechos de propiedad de las naciones y pueblos del “Sur”. La biodiversidad representa su patrimonio de recursos naturales y culturales, con los que han co-evolucionado en la historia, el hábitat en donde se arraigan los significados culturales de su existencia. Estos son intraducibles en valores económicos.

Es aquí donde se establece el umbral entre lo que es negociable e intercambiable entre deuda y naturaleza, y lo que impide dirimir el conflicto de distribución ecológica en términos de compensaciones económicas.

11 El campo de la ecología política se abre en un horizonte que desborda el territorio de la economía ecológica. La ecología política se localiza en los linderos del ambiente que puede ser recodificado e internalizado en el espacio paradigmático de la economía, de la valorización de los recursos naturales y los servicios ambientales. La ecología política se establece en ese espacio que es el del conflicto por la reapropiación de la naturaleza y de la cultura, allí donde la naturaleza y la cultura resisten a la homologación de valores y procesos (simbólicos, ecológicos, epistemológicos, políticos) inconmensurables y a ser absorbidos en términos de valores de mercado. Allí es donde la diversidad cultural adquiere derecho de ciudadanía como una política de la diferencia, de una diferencia radical, en cuanto que lo que está allí en juego es más y otra cosa que la distribución equitativa del acceso y los beneficios económicos derivados de la puesta en valor de la naturaleza.

Desnaturalización de la naturaleza

12 En el curso de la historia, la naturaleza se fue construyendo como un orden ontológico y una categoría omnicomprensiva de todo lo real. Lo natural se convirtió en un argumento fundamental para legitimar el orden existente, tangible y objetivo. Lo natural era lo que tenía “derecho de ser”. En la modernidad, la naturaleza se convirtió en objeto de dominio de las ciencias y de la producción, al tiempo que fue externalizada del sistema económico; se desconoció así el orden complejo y la organización ecosistémica de la naturaleza, en tanto que se fue convirtiendo en objeto de conocimiento y en materia prima del proceso productivo. La naturaleza fue desnaturalizada para convertirla en recurso e insertarla en el flujo unidimensional del valor y la productividad económica. Esta naturalidad del orden de las cosas y del mundo –la naturalidad de la ontología y la epistemología de la naturaleza– fue construyendo una racionalidad contra natura, basada en leyes naturales inexpugnables, ineluctables, inconmovibles.

13 No es sino hasta los años sesenta y setenta en adelante que la naturaleza se convierte en referente político, no sólo de una política de Estado para la conservación de las bases naturales de sustentabilidad del planeta, sino como objeto de disputa y apropiación social, al tiempo que emergen por fuera de la ciencia diversas corrientes interpretativas, en las que la naturaleza deja de ser un objeto a ser dominado y desmembrado para convertirse en un cuerpo a ser seducido, resignificado, reapropiado. De allí todas las diversas ecosofías, desde la ecología profunda (Naess), el ecosocialismo (O´Connor) y el ecoanarquismo (Bookchin), que nutren a la ecología política. En estas perspectivas, la ecología viene a jugar un papel preponderante en el pensamiento reordenador del mundo. La ecología se convierte en el paradigma que, basado en la comprensión de lo real y del conocimiento como un sistema de interrelaciones, orienta el pensamiento y la acción en una vía reconstructiva. De esta manera se establece el campo de una ecología generalizada (Morin) donde se configura toda una serie de teorías y metodologías que iluminan y asechan el campo de la ecología política, desde las teorías de sistemas y los métodos interdisciplinarios, hasta el pensamiento de la complejidad (Floriani 2003).

14 Se propuso así un cambio de paradigma epistemológico y societario, del paradigma mecanicista al paradigma ecológico, que si bien contraponía al fraccionamiento de las ciencias la visión holística de un mundo entendido como un sistema de interrelaciones, interdependencias y retroalimentaciones, abriendo el conocimiento hacia la novedad y la emergencia, al caos y a la incertidumbre, la conciencia y la creatividad, no renunció a su pulsión totalizadora y objetivante del mundo. Se generó así un nuevo centralismo teórico, que si empezaba a enfrentar el logocentrismo de las ciencias, no ha penetrado el cerco de poder del pensamiento unidimensional asentado en la ley unitaria y globalizante del mercado. La ecología se fue haciendo política y la política se fue ecologizando, pero a fuerza de abrir la totalidad sistémica fuera de la naturaleza, hacia el orden simbólico y cultural, hacia el terreno de la ética y de la justicia (Borrero 2002).

15 Las corrientes dominantes de pensamiento que alimentan la acción ecologista, van complejizando a la naturaleza, pero no logran salir de la visión naturalista que, desde la biosociología hasta los enfoques sistémicos y la ecologís generalizada, no han logrado romper el cerco de naturalización del mundo en el que la ley natural objetiva vela las estrategias de poder que han atravesado en la historia las relaciones sociedad-naturaleza.

16 La ecología política es por ello el terreno de una lucha por la desnaturalización de la naturaleza: de las condiciones “naturales” de existencia, de los desastres “naturales”, de la ecologización de las relaciones sociales. No se trata tan sólo de adoptar una perspectiva constructivista de la naturaleza, sino política, donde las relaciones entre seres humanos entre ellos y con la naturaleza se construyen a través de relaciones de poder (en el saber, en la producción, en la apropiación de la naturaleza) y los procesos de “normalización” de las ideas, discursos, comportamientos y políticas.

17 Más allá de los enfoques ecologistas que siguen dominando el pensamiento ambiental, nuevas corrientes constructivistas y fenomenológicas están contribuyendo a la desconstrucción del concepto de naturaleza, resaltando el hecho de que la naturaleza es siempre una naturaleza marcada, significada, geo-grafiada. Dan cuenta de ello los recientes estudios de la nueva antropología ecológica (Descola y Pálsson 2001) y de la geografía ambiental (Gonçalves 2001), que muestran que la naturaleza es producto no de una evolución biológica, sino de una coevolución de la naturaleza y las culturas que la han habitado. Son estas “naturalezas orgánicas” (Escobar), las que han entrado en competencia y conflicto con la naturaleza capitalizada y tecnologizada por una cultura globalizada que hoy en día impone su imperio hegemónico y homogeneizante bajo el dominio de la tecnología y el signo unitario del mercado.

18 La ecología política se establece en el encuentro, confrontación e hibridación de estas racionalidades desemejantes y heterogéneas de relación y apropiación de la naturaleza.

Más allá de pensar estas racionalidades como opuestos dialécticos, la ecología política es el campo en el cual se están construyendo –en una historia ambiental cuyos orígenes se remontan a una historia de resistencias anticolonialistas y antiimperialistas– nuevas identidades culturales en torno a la defensa de las naturalezas culturalmente significadas y a estrategias novedosas de “aprovechamiento sustentable de los recursos”, de los cuales

basta citar la invención de la identidad del seringueiro y de sus reservas extractivistas en la amazonía brasileña, y más recientemente el proceso de las comunidades negras del Pacífico de Colombia. Estas identidades se han configurado a través luchas de resistencia, afirmación y reconstrucción del ser cultural frente a las estrategias de apropiación y transformación de la naturaleza que promueve e impone la globalización económica.

Porto Gonçalves ha caracterizado a estos procesos culturales como movimientos de re-existencia.

Política cultural/política de la diferencia

19 La diferencia es siempre una diferencia radical; está fundada en una raíz cuyo proceso y destino es diversificarse, ramificarse, redificarse. El pensamiento de la diferencia es el proyecto de desconstrucción del pensamiento unitario, aquel que busca acomodar la diversidad a la universalidad y someter lo heterogéneo a la medida de un equivalente universal, cerrar el círculo de las ciencias en una unidad del conocimiento, reducir las variedades ontológicas a sus homologías estructurales y encasillar las ideas dentro de un pensamiento único. La ecología política enraíza el trabajo teórico de desconstrucción del logos en el campo político, donde no basta reconocer la existencia de la diversidad cultural, de los saberes tradicionales, de los derechos indígenas, para luego intentar resolver el conflicto que emana de sus diferentes formas de valorización de la naturaleza por la vía del mercado y sus compensaciones de costos.

20 Hablamos de ecología política, pero habremos de comprender que la ecología no es política en sí. Las relaciones entre seres vivos y naturaleza, las cadenas tróficas, las territorialidades de las especies, incluso las relaciones de depredación y dominación, no

son políticas en ningún sentido. Si la política es llevada al territorio de la ecología es como respuesta al hecho de que la organización ecosistémica de la naturaleza ha sido negada y externalizada del campo de la economía y de las ciencias sociales. Las relaciones de poder emergen y se configuran en el orden simbólico y del deseo del ser humano, en su diferencia radical con los otros seres vivos que son objeto de la ecología.

21 Desde esta perspectiva, al referirse a las “ecologías de la diferencia”, Escobar pone el acento en la noción de “distribución cultural”, como los conflictos que emergen de diferentes significados culturales, pues “el poder habita a los significados y los significados son la fuente del poder” (Escobar 2000:9). Pero si bien el poder se moviliza por medio de estrategias discursivas, la “distribución cultural” no surge del hecho de que los significados sean directamente fuentes de poder, sino de las estrategias discursivas que generan los movimientos por la reivindicación de sus valores culturales, es decir, en los procesos de legitimación de los significados culturales como derechos humanos. Pues es por la vía de los derechos (humanos) que los valores culturales entran en el juego y el campo del poder establecido por los “derechos del mercado”.

22 Pero en realidad la noción de distribución cultural puede llegar a ser tan falaz como la de distribución ecológica cuando se le somete a un proceso de homologación y homogeneización. La inconmensurabilidad no sólo se da en la diferencia entre economía, ecología y cultura, sino dentro del propio orden cultural, donde no existen equivalencias entre significaciones diferenciadas. La distribución siempre apela a una materia homogénea: el ingreso, la riqueza, la naturaleza, la cultura, el poder. Pero el ser que funda los derechos es esencialmente heterogéneo, en el sentido de que implica pasar del concepto genérico del ser y del ser ahí heideggeriano, aún herederos de una ontología existencialista esencialista y universal, a pensar la política de la diferencia como derechos del ser cultural, específico y localizado.

23 La ecología política en América Latina está operando así un proceso similar al que Marx realizó con el idealismo hegeliano, al “poner sobre sus pies” a la filosofía de la posmodernidad (Heidegger, Derrida), al volver al Ser y a la diferencia en la sustancia de una ecología política. La esencial diversidad del orden simbólico y cultural se convierte en la materia de la política de la diferencia.

24 Pero la diferencia de valores y visiones culturales no se convierte por derecho propio en fuerza política. La legitimación de esa diferencia que le da valor y poder, proviene de una suerte de efectos de saturación de la homogeneización forzada de la vida inducida por el pensamiento metafísico y la racionalidad modernizante. Es de la resistencia del ser al dominio de la homogeneidad hegemónica, de la cosificación objetivante, de la igualdad inequitativa, que surge la diferencia por el encuentro con la otredad, en la confrontación de la racionalidad dominante con lo que le es externo y con aquello que excluye, rompiendo con la identidad de la igualdad y la unidad de lo universal. De esa tensión se establece el campo de poder de la ecología política, de la demarcación del pensamiento único y la razón unidimensional, para valorar la diferencia del ser y convertirlo en un campo de fuerzas políticas.

25 Hoy es posible afirmar que “las luchas por la diferencia cultural, las identidades étnicas y las autonomías locales sobre el territorio y los recursos están contribuyendo a definir la agenda de los conflictos ambientales más allá del campo económico y ecológico”, reivindicando las “formas étnicas de alteridad comprometidas con la justicia social y la igualdad en la diferencia” (Escobar 2000:6, 13). Esta reivindicación no reclama una esencia étnica ni derechos fincados en el principio jurídico y metafísico del individuo, sino en el derecho del ser, que incluye tanto los valores intrínsecos de la naturaleza como los derechos humanos diferenciados culturalmente, incluyendo el derecho a disentir de los sentidos preestablecidos y legitimados por poderes hegemónicos.

26 La política de la diferencia no sólo implica diferenciar criterios, opiniones y posiciones.

También hay que entenderla en el sentido que asigna Derrida (1989) a la diferencia, que no sólo establece la diferencia en el aquí y el ahora, sino que la abre al tiempo, al devenir, al advenimiento de lo impensado y lo inexistente. En este sentido, frente al cierre de la historia en torno al cerco del pensamiento único y del mercado globalizado, la política de la diferencia abre la historia hacia la utopía de la construcción de sociedades sustentables diferenciadas. El derecho a diferir en el tiempo abre el sentido del ser que construye en el tiempo aquello que es potencialmente posible desde lo real y del deseo, “lo que aún no es” (Levinas 1977).

27 La ecología política reconoce en el ambientalismo luchas de poder por la distribución de bienes materiales (valores de uso), pero sobre todo de valores-significaciones asignadas a los bienes, necesidades, ideales, deseos y formas de existencia que definen los procesos de adaptación / transformación de los grupos culturales a la naturaleza. No se trata pues de un problema de inconmensurabilidad de bienes-objeto, sino de identidades-valoraciones diferenciadas por formas culturales de significación, tanto de la naturaleza como de la

existencia misma. Esto está llevando a imaginar y construir estrategias de poder capaces de vincular y fortalecer un frente común de luchas políticas diferenciadas en la vía de la construcción de un mundo diverso guiado por una racionalidad ambiental (hibridación de diversas racionalidades) y una política de la diferencia. De ese otro mundo posible por el que claman las voces del Foro Social Mundial; de otro mundo donde quepan muchos mundos (Sub-comandante Marcos).

28 Las reivindicaciones por la igualdad en el contexto de los derechos humanos genéricos del hombre, y sus aplicaciones jurídicas a través de los derechos individuales, son incapaces de asumir este principio político de la diferencia que reclama un lugar propio dentro de una cultura de la diversidad, pues como afirma Escobar, Ya no es el caso de que uno pueda contestar la desposesión y argumentar a favor de la igualdad desde la perspectiva de la inclusión dentro de la cultura y la economía dominantes. De hecho, lo opuesto está sucediendo: la posición de la diferencia y la autonomía está llegando a ser tan válida, o más, en esta contestación. El apelar a las sensibilidades morales de los poderosos ha dejado de ser efectiva […]

Es el momento de ensayar […] las estrategias de poder de las culturas conectadas en redes y glocalidades, de manera que puedan negociarse concepciones contrastantes de lo bueno y el valor de diferentes formas de vida y para reafirmar el predicamento pendiente de la diferencia-en-la-igualdad. (Escobar 2000:21).

Conciencia de clase, conciencia ecológica, conciencia de especie

29 La política de la diferencia se sitúa en otro plano que el de una ecología política subsumida en el pensamiento ecológico. Pues la significancia de la naturaleza que mueve a los actores sociales en el campo de la ecología política no podría proceder ni fundarse en una conciencia genérica de la especie humana. La “conciencia ecológica” que emana de la narrativa ecologista como una noosfera que emerge desde la organización biológica del cuerpo social humano –esa formación discursiva desde la cual la gente habla del amor a la naturaleza, se conmueve por el cuidado del ambiente y promueve el desarrollo sostenible– no es consistente con bases teóricas ni con visiones y proyectos compartidos por la humanidad en su conjunto. Por ello los “tomadores de decisiones” pueden anteponer la conciencia económica a la de la supervivencia humana y del planeta, y negar las evidencias científicas sobre el cambio climático; por ello los principios del desarrollo sostenible (las responsabilidades comunes pero diferenciadas, el consentimiento previo e informado, el pensar globalmente y actuar localmente, o el principio de quien contamina paga) se han convertido en slogans con un limitado efecto en la construcción de una nueva racionalidad ambiental. El movimiento ambientalista es un campo disperso de grupos sociales que antes de solidarizarse por un objetivo común, muchas veces se confrontan, se diferencian y se dispersan tanto por el fraccionamiento de sus reivindicaciones como por la comprensión y uso de conceptos que definen sus estrategias políticas.

30 Para que hubiera una conciencia de especie sería necesario que la humanidad en su conjunto compartiera la vivencia de una catástrofe común o de un destino compartido por todo el género humano en términos equivalentes, como aquella que llevó el silogismo aristotélico sobre la mortalidad del hombre a una conciencia de sí de la humanidad cuando la generalización de la peste convirtió el simbolismo del silogismo en experiencia vivida, transformando la máxima del enunciado en producción de sentido de un imaginario colectivo (o la que fundó la cultura humana en la prohibición del incesto y de la cual el simbolismo del complejo de Edipo vino solamente a convertir en sentido trágico y manifestación literaria una “ley cultural” vivida, que no fue instaurada ni por Sófocles ni por Freud). Pues como ha afirmado Lacan (1974-5), del enunciado de Aristóteles “todos los hombres son mortales” no se desprende el sentido que sólo anidó en la conciencia una vez que la peste se propagó por Tebas, convirtiéndola en algo “imaginable” y no sólo una pura forma simbólica, una vez que toda la sociedad se sintió concernida por la amenaza de una muerte real.

31 En la sociedad del riesgo y la inseguridad en que vivimos podemos afirmar que el imaginario del terror está más concentrado en la realidad de la guerra y la violencia generalizada que en el peligro inminente de un colapso ecológico. Pareciera que el holocausto y los genocidios a lo largo de la historia humana no hubieran sido capaces de anteponer una ética de la vida a los intereses del poder; menos aún una conciencia que responda efectivamente al riesgo ecológico o con un imaginario colectivo que reconduzca sus acciones hacia la construcción de sociedades sustentables. La crisis ambiental que se cierne sobre el mundo aún se percibe como una premonición catastrofista de una naturaleza que se presume cada vez más controlada, más que como un riesgo ecológico real para toda la humanidad. La amenaza que se ha establecido en el imaginario colectivo y que mantiene pasmado al mundo actual es la del terrorismo que se manifiesta en un miedo generalizado a la guerra desenfrenada, al holocausto humano, al derrumbe de reglas básicas de convivencia y de una ética de y para la vida, más que como la conciencia de la revancha de una naturaleza sometida y sobreexplotada.

32 Ciertamente prácticamente todo el mundo tiene hoy conciencia de problemas ecológicos que afectan su calidad de vida; pero estos se encuentran fragmentados y segmentados según su especificidad local. Estos generan una variedad de ambientalismos (Guha y Martínez Alier 1997), pero no todas las formas y grados de conciencia generan movimientos sociales. Más bien prevalece lo contrario, y los problemas más generales, como el calentamiento global, son percibidos desde visiones y concepciones muy diferentes, desde quienes ven allí la fatalidad de catástrofes naturales hasta quienes lo entienden como la manifestación de la ley límite de la entropía y el efecto de la racionalidad económica. El ambientalismo es pues un kaleidoscopio de teorías, ideologías, estrategias y acciones no unificadas por una conciencia de especie, salvo por el hecho de que el discurso ecológico ha empezado a penetrar todas las lenguas y todos los lenguajes, todos los idearios y todos los imaginarios.

33 La ley límite de la entropía que sustentaría desde la ciencia tales previsiones y los desastres “naturales” que se han desencadenado y proliferado en los últimos años parecen aún disolver su evidencia en los cálculos de probabilidades, en la incertidumbre vaga de los acontecimientos, en el corto horizonte de las evaluaciones y la multiplicidad de criterios en los que se elaboran sus indicadores. Lo que prevalece es una dispersión de visiones y previsiones sobre la existencia humana y su relación con la naturaleza, en la que se borran las fronteras de las conciencias de clase, pero no por ello las diferencias de conciencias alimentadas por intereses y valores diferenciados, en los que el principio de diversidad cultural está abriendo un nuevo mosaico de posicionamientos que impide la

visión unitaria para salvar al planeta, a la biodiversidad y a la especie humana. Cada visión se está convirtiendo en nuevos derechos que están resquebrajando el marco jurídico prevaleciente, construido en torno al principio de la individualidad y del derecho privado, de la misma forma que esos pilares de la racionalidad económica se colapsan frente a lo real de la naturaleza y los sentidos de la cultura.

34 Esta recomposición del mundo por la vía de la diferenciación del ser y del sentido rompe el esquema imaginario de la interdisciplinariedad, e incluso de un “diálogo de saberes” entendido como la concertación de intereses diferenciados a través de una racionalidad comunicativa (Habermas). La conciencia de la crisis ambiental se funda en la relación del ser con el límite, en el enfrentamiento del todo objetivado del ente con la nada que alimenta el advenimiento del ser, en la interconexión de lo real, lo imaginario y lo simbólico que oblitera al sujeto, que abre el agujero de donde emerge la existencia humana, el ser y su relación con el saber. El sujeto de la ecología política no es el hombre construido por la antropología ni el ser-ahí genérico de la fenomenología, sino el ser propio que ocupa un lugar en el mundo, que construye su mundo de vida como “producción de existencia” (Lacan 1974/75): la nada, la falta en ser y la pulsión de vida que van impulsando y anudando el posible saber en la producción de la existencia, forjando esa relación del ser y el saber, del ser con lo sido y lo que aún no es, de una utopía que está más allá de toda trascendencia prescrita en una evolución ecológica, sea esta orgánica o de una dialéctica ecologizada de la naturaleza (Bookchin 1990).

35 La conciencia ecológica se inscribe así en una política de la diferencia referida a los derechos del ser y a la invención de nuevas identidades atravesadas y constituidas en y por relaciones de poder.

Ecología política / epistemología política

36 La ecología política es la política de la reapropiación de la naturaleza. Pero como toda política, no es meramente una estrategia práctica; su práctica no sólo está mediada por procesos discursivos y por aplicaciones del conocimiento, sino que es esencialmente una lucha que se da en la producción y apropiación de los conceptos. No sólo porque el ambientalismo crítico combate las ideologías que fundan la racionalidad de la modernidad insustentable (Leis 2001), sino porque la eficacia de una estrategia de reconstrucción social implica la desconstrucción de los conceptos teóricos e ideológicos que han soportado y legitimado las acciones y procesos generadores de los conflictos ambientales. La orientación de las acciones hacia la construcción de sociedades sustentables se da en un campo de luchas teóricas y de politización de conceptos. Así, los conceptos de biodiversidad, territorio, autonomía, autogestión, están reconfigurando sus significados en el campo conflictivo de las estrategias de reapropiación de la naturaleza.

37 La política de la diferencia se abre a una proliferación de sentidos existenciales y civilizatorios que son la materia de una epistemología política que desborda al proyecto interdisciplinario en su voluntad de integración y complementariedad de conocimientos (las teorías de sistemas), reconociendo las estrategias de poder que se juegan en el campo del saber y reconduciendo el conflicto ambiental hacia un encuentro y diálogo de saberes.

Ello implica una radical revisión del conocimiento, de la relación entre lo real, lo simbólico y lo imaginario, donde la solución no se orienta a copiar a la naturaleza, a subsumirse profundamente en la ecología, ó a generalizar la ecología como modelo de pensamiento y comportamiento, sino a situarse políticamente en lo imaginario de las representaciones de la naturaleza para desentrañar sus estrategias de poder (del discurso del desarrollo sostenible). Se trata no sólo de una hermenéutica de los diferentes sentidos asignados a la naturaleza, sino de saber que toda naturaleza es captada desde un lenguaje, desde relaciones simbólicas que entrañan visiones, sentimientos, razones, sentidos e intereses que se debaten en la arena política. Porque el poder que habita al cuerpo humano está hecho de lenguaje.

38 Es dentro de esta epistemología política que los conceptos de territorio-región funcionan como lugares-soporte para la reconstrucción de identidades enraizadas en prácticas culturales y racionalidades productivas sustentables, como hoy lo construyen las comunidades negras del Pacífico colombiano. En este escenario, El territorio es visto como un espacio multidimensional fundamental para la creación y recreación de las prácticas ecológicas, económicas y culturales de las comunidades […] Puede decirse que en esta articulación entre identidad cultural y apropiación de un territorio subyace la ecología política del movimiento social de comunidades negras. La demarcación de territorios colectivos ha llevado a los activistas a desarrollar una concepción del territorio que enfatiza articulaciones entre los patrones de asentamiento, los usos del espacio y las prácticas de usos-significados de los recursos. (Escobar 1999:260)

39 Una ecología política bien situada se sustenta en una teoría correcta de las relaciones sociedad-naturaleza, o en la desconstrucción de la noción ideológico-científica-discursiva

de la naturaleza, capaz de articular la sustancia ontológica de lo real del orden biofísico, con el orden simbólico que la significa, que la convierte en referente de una cosmovisión, de una teoría, de un discurso sobre el desarrollo sustentable. La ecología política remite directamente al debate sobre monismo/dualismo en el que hoy se desgarra la teoría de la reconstrucción / reintegración de lo natural y lo social, de la ecología y la cultura, de lo material y lo simbólico.

Es allí donde se ha desbarrancado el pensamiento ambiental, bloqueado por efecto del maniqueísmo teórico y la dicotomía extrema entre el naturalismo de las ciencias físico-biológico-matemáticas y el antropomorfismo de las ciencias de la cultura; unas llevadas al polo positivo del positivismo lógico y empirista; el otro al relativismo del constructivismo y de la hermenéutica.

En el naufragio del pensamiento ante su polarización extrema, pensadores y científicos se han agarrado de la tabla de salvación que les ha ofrecido la ecología como ciencia por excelencia e las interrelaciones de los seres vivos con sus entorno, llevando a una ecología generalizada que no logra desprenderse de esa voluntad de totalización del mundo, ahora guiada por el objetivo de construir un pensamiento de la complejidad (Morin 1993).

Surgen de allí todos los intentos por reconciliar a esos entes no dialogantes (mente-cuerpo; naturaleza-cultura; razón-sentimiento), más allá de una dialéctica de contrarios, unificados por un creacionismo evolucionista, de donde habría de emerger la conciencia ecológica para reconciliar y saldar las deudas de una racionalidad anti-ecológica. Este pensamiento complejo en búsqueda de un paradigma monista fundado en la ecología no ofrece bases

sólidas a una ecología política capaz de guiar las acciones hacia una sustentabilidad fundada en una política de la diferencia.

40 La otra falla del pensamiento epistemológico reciente ha sido querer reunificar la naturaleza y la cultura sobre la base de una perspectiva fenomenológica a partir de la constatación de que las cosmovisiones de las sociedades “tradicionales” no reconocen una distinción entre lo humano, lo natural y lo sobrenatural. Empero estas “matrices de racionalidad” no constituyen “epistemologías” conmensurables, equiparables con la epistemología de nuestra civilización “occidental”.

De manera que si bien podemos inspirarnos en las gnoseologías de las sociedades tradicionales para una política de la diferencia basada en el derecho de sus saberes, el campo general de la epistemología que anima y legitima la política de la globalización económico-ecológica debe desconstruirse desde el cuerpo mismo de sus fundamentos.

41 La posmodernidad está marcada por el fin de los universalismos y los esencialismos; por la emergencia de entes híbridos hechos de organismo, símbolos y tecnología (Haraway); por la imbricación de lo tradicional y lo moderno. Pero es necesario diferenciar este reenlazamiento de lo natural, lo cultural y lo tecnológico del mundo actual de la complejidad, del mundo de vida de los primitivos que desconocen la separación entre cuerpo y alma, vida y muerte, naturaleza y cultura. Esta continuidad y fluidez del mundo primitivo se da en un registro diferente a la relación entre lo real, lo simbólico y lo imaginario en la cultura moderna.

42 El problema a resolver por la ecología política no es sólo el dejar atrás el esencialismo de la ontología occidental, sino el principio de universalidad de la ciencia moderna. Pues la ciencia ha generado, junto con sus universales a priori, al hombre genérico que se convirtió en el principio de discriminación de los hombres diferentes.

De esta manera, los derechos humanos norman y unifican al tiempo que segregan y discriminan. Por ello, la ecología política debe salir a la desconstrucción de todos los conceptos universales y genéricos: el hombre, la naturaleza, la cultura, etc., pero no para pluralizarlos como “hombres”, “naturalezas” y “culturas” (con sus propias “ontologías” y “epistemologías”), sino para construir los conceptos de su diferencia.

Así pues, el ecofeminismo no debe tan sólo diagnosticar los lugares asignados a la mujer en la economía, la política, la familia. Su diferencia sustantiva no radica en el lugar (diferente, subyugado) que le asigna la cultura jerárquica falocéntrica, sino en decir su diferencia con un lenguaje propio, que no es sólo el agregado de sensibilidad a la supuesta racionalidad inconmovible del machismo.

La ecología política habrá de edificarse y convivir en una babel de lenguajes diferenciados, que se comunican e interpretan pero que no se traducen en un lenguaje común unificado.

43 Esta epistemología política trasciende el juego de interrelaciones e interdependencias del pensamiento complejo fundado en una ecología generalizada (Morin) y en un naturalismo dialéctico (Bookchin), ya que está situada más allá de todo naturalismo. Esta emerge desde ese orden que inaugura la palabra, el orden simbólico y la producción de sentido.

En esta perspectiva, la ecología política no emerge del orden ecológico preestablecido, ni de una ciencia que haría valer una conciencia-verdad capaz de vencer los intereses antiecológicos y antidemocráticos, sino en un nuevo espacio donde el destino de la naturaleza se juega en un proceso de creación de sentidos-verdades y en sus respectivas estrategias de poder. Ese reanudamiento entre lo real, lo simbólico y lo imaginario es lo que pone en juego las leyes de la naturaleza (entropía como ley límite de lo real) con lo simbólico de su teoría y con la discursividad del desarrollo sostenible. Esta cuestión epistemológica no se dirime en el campo del conocimiento, sino en el de la política que hace intervenir otros símbolos, otros imaginarios y otros reales, en el sentido de que la naturaleza (la biodiversidad) no son entidades objetivas desde el momento en que la naturaleza se construye desde el efecto de poder de los procesos imaginarios y simbólicos que la transforman en geopolítica del desarrollo sostenible.

Ética y emancipación

44 La ecología política busca su identidad teórica y política en un mundo en mutación, en el que las concepciones y conceptos que hasta ahora orientaron la inteligibilidad del mundo y la acción práctica, parecen desvanecerse del campo del lenguaje significativo. Sin embargo, el pensamiento dominante se resiste a abandonar el diccionario de las prácticas discursivas que envuelven a la ecología política (como a todos los viejos y nuevos discursos que acompañan la desconstrucción del mundo) a pesar de que han perdido todo peso explicativo y resuenan como la nostalgia de un mundo para siempre pasado, para siempre perdido: el del pensamiento dialéctico, el de la universalidad y unidad de las ciencias, el de la esencia de las cosas y la trascendencia de los hechos. Y sin embargo algo nuevo puja por salir y manifestarse en este mundo de incertidumbres, de caos y confusión, de sombras y penumbras, donde a través de los resquicios y resquebrajamientos de la racionalidad monolítica del pensamiento totalitario, se asoman las primeras luces de la complejidad ambiental. Llamemos a ese algo inconformidad, lucidez mínima, necesidad de comprensión y de emancipación. Mientras los juegos de lenguaje son infinitos para seguir imaginando este mundo de ficción y virtualidad, también lo son para avizorar futuros posibles, para construir utopías, para reconducir la vida. Y el pensamiento que ya nunca será único ni servirá como instrumento de poder, busca comprender, enlazar su poder simbólico y sus imaginarios para reconducir lo real.

Y si este proceso no deberá sucumbir al poder perverso y anónimo de la hiperrealidad y la simulación guiadas por el poder o por la aleatoriedad de las cosas, un principio básico seguirá sosteniendo la existencia en la razón, y es la de la consistencia del pensamiento, consistencia que nunca será total en un mundo que nunca será totalmente conocido y controlado por el pensamiento. Que nunca más será regido por razones de fuerza mayor.

45 La crisis ambiental marca el límite del logocentrismo y la voluntad de unidad y universalidad de la ciencia, del pensamiento único y unidimensional, de la racionalidad entre fines y medios, de la productividad económica y la eficiencia tecnológica, del equivalente universal como medida de todas las cosas, que bajo el signo monetario y la lógica del mercado han recodificado al mundo y los mundos de vida en términos de valores de mercado intercambiables y transables. De allí que la emancipación se plantee no sólo como un antiesencialismo, sino como de-sujeción de la sobre-economización del mundo. Lo anterior implica resignificar los principios liberadores de la libertad, la igualdad y la fraternidad como principios de una moral política que terminó siendo cooptada por el liberalismo económico y político –por la ecualización y privatización de los derechos individuales, de fraternidades disueltas por el interés y la razón de fuerza mayor–, para renombrarlos en la perspectiva de la desujeción y la emancipación, de la equidad en la diversidad, de la solidaridad entre seres humanos con culturas, visiones e intereses colectivos, pero diferenciados.

46 La ecología política es una política de la diferencia, de la diversificación de sentidos; más allá de una política para la conservación de la biodiversidad que sería recodificada y revalorizada como un universal ético o por el equivalente universal del mercado, es una transmutación de la lógica unitaria hacia la diversificación de proyectos de sustentabilidad y ecodesarrollo. Esta política es una revolución que abre los sentidos civilizatorios, no por ser una revolución de la naturaleza ni del conocimiento científico-tecnológico (biotecnológica), sino por ser una revolución del orden simbólico, lo que implica poner el espíritu desconstruccionista del pensamiento posmoderno al servicio de una política de la diferencia, proponer la “imaginación abolicionista” como principio de libertad y de sustentabilidad:

La agenda abolicionista propone comunidades autogestionarias establecidas de acuerdo al ideal deorganización espontánea: los vínculos personales, lasrelaciones de trabajo creativo, los grupos de afinidad,los cabildos comunales y vecinales; fundadas en elrespeto y la soberanía de la persona humana, laresponsabilidad ambiental y el ejercicio de lademocracia directa “cara a cara” para la toma dedecisiones en asuntos de interés colectivo. Estaagenda apuntaba a cambiar nuestro rumbo hacia una civilización de la diversidad, una ética de lafrugalidad y una cultura de baja entropía,reinventando valores, desatando los nudos delespíritu, sorteando la homogeneidad cultural con lafuerza de un planeta de pueblos, aldeas y ciudadesdiversos. (Borrero 2002:136)

47 El discurso de la ecología política no es el discurso lineal que hace referencia a los “hechos”, sino aquél de la poesía y la textura conceptual que al tiempo que enlaza la materia, los símbolos y los actos que constituyen su territorio y su autonomía de su campo teórico-político, también llevan en ciernes la desconstrucción de los discursos de los paradigmas y las políticas establecidas, para abrirse hacia el proceso de construcción de una nueva racionalidad a partir de los potenciales de la naturaleza y los sentidos de la cultura, de la actualización de identidades y la posibilidad de lo que “aún no es”.

48 La ecología política no solamente explora y actúa en el campo del poder que se establece dentro del conflicto de intereses por la apropiación de la naturaleza; a su vez hace necesario repensar la política desde una nueva visión de las relaciones de la naturaleza, la cultura y la tecnología. Más que actuar en el espacio de una complejidad ambiental emergente, se inscribe en la búsqueda de un nuevo proyecto libertario para abolir toda relación jerárquica y toda forma de dominación. Más allá de estudiar los conflictos ambientales, está constituida por un conjunto de movimientos sociales y prácticas políticas que se manifiestan dentro de un proceso de emancipación. La ecología política se funda en un nuevo pensamiento y en una nueva ética: una ética política para renovar el sentido de la vida (Leff 2002, PNUMA 2002).

49 Así, dentro de la imaginación abolicionista y el pensamiento libertario que inspira a la ecología política, la disolución del poder de una minoría privilegiada para sojuzgar a las mayorías excluidas es tarea prioritaria para la ecología política. La ecología política de

América Latina deberá ser un árbol cultivado por nuestras vidas y las de tantos movimientos sociales que se cobijan bajo su follaje; un árbol con ramas que enlacen diversas lenguas, una Babel donde nos comprendamos desde nuestras diferencias, donde cada vez que alcemos el brazo para alcanzar sus frutos degustemos el sabor de cada terruño de nuestra geografía, de cada cosecha de nuestra historia y cada producto de nuestra invención. De ser así, tal vez no tardemos mucho en darle nombre propio a su savia, como esos seringueiros que se inventaron como seres en este mundo bajo el nombre de ese árbol del que con su ingenio extrajeron el alimento de sus cuerpos y vida de su cultura.

BIBLIOGRAFÍA

Baudrillard, J. (1986), L´Echange Symbolique et la Mort, Gallimard, Paris.

Bookchin, M. (1990), The Philosophy of Social Ecology. Essays on Dialectical Naturalism, Black Rose

Books, Montreal.

Borrero, J. M. (2002), La Imaginación Abolicionista. Ensayos de ecología política, PNUMA/CELA/Hivos, Cali.

Derrida, J. (1989), Márgenes de la Filosofía, Cátedra, Madrid.

Descola, Ph. y G. Pálsson (Eds.)(2001), Naturaleza y Sociedad. Perspectivas Antropológicas, Colección

Ambiente y Democracia, Siglo XXI Editores, México.

Escobar, A. (1999), El Final del Salvaje. Naturaleza, cultura y política en la antropología contemporánea,

CEREC/ICAN, Bogotá.

Escobar, A. (2000), “An Ecology of Difference: Equality and Conflict in a Glocalized World”, mimeo.

Floriani, D. (2003), Conhecimento, Meio Ambiente e Globalizaçao, Curitiba, mimeo.

Gonçalves, C.W.P. (2001), Geo-grafías. Movimientos Sociales, Nuevas Territorialidades y Sustentabilidad,

Siglo XXI, México.

Guha, R. y J. Martínez Alier (1977), Varieties of Environmentalim. Essays North and South, Earthscan,

Londres.

Lacan, J. (1974-75), Seminario RSI (Réel, Symbolique, Imaginaire), mimeo.

Leff, E. (1998/2002) Saber Ambiental. Racionalidad, sustentabilidad, complejidad, poder, Colección

Ambiente y Democracia, Siglo XXI Editores, México.

Leff, E. (2001), Epistemología Ambiental, Cortez Editora, Sao Paulo.

Leff, E. (Ed.) (2002), Ética, Vida, Sustentabilidad, Serie Pensamiento Ambiental Latinoamericano, No. 5, PNUMA, México

Leis, H. (2001), La Modernidad Insustentable. Las Críticas del Ambientalismo a la Sociedad Contemporánea, Serie Pensamiento Ambiental Latinoamericano No. 2, PNUMA/Nordan, Montevideo.

Levinas, E. (1977), Totalidad e Infinito, Ediciones Sígueme, Salamanca.

Martínez Alier, J. (1997), “Conflictos de Distribución Ecológica”, Revista Andina, Vol. 29, Año 15,

Núm. 1, pp. 41-66.

Morin, E. (1993), Introducción al Pensamiento de la Complejidad, GEDISA, Barcelona.

Naess, A. y D. Rothenberg (1989), Ecology, Community and Lifestyle, University Press, Cambridge.

PNUMA (2002), Manifiesto por la Vida. Por una Ética de la Sustentabilidad, www.rolac.unep.mx

Vattimo (1998), Las Aventuras de la Diferencia, Península, 3ª Edición, Barcelona.

NOTAS*. Este texto fue elaborado y presentado en la reunión del Grupo de Ecología Política de CLACSO,celebrada en la ciudad de Panamá los días 17-19 de marzo de 2003.

RESÚMENES

El autor argumenta que la ecología política no solamente explora y actúa en el campo del poder que se establece dentro del conflicto de intereses por la apropiación de la naturaleza; a su vez hace necesario repensar la política desde una nueva visión de las relaciones de la naturaleza, la cultura y la tecnología; y la sitúa en un norte de disolución del poder de una minoría privilegiada, acción cultivada por los movimientos sociales que se cobijan bajo su follaje; un árbol con ramas que enlacen diversas lenguas, una Babel donde nos comprendamos desde nuestras diferencias. Para fundamentar sus afirmaciones, recorre los componentes teórico-práctico de su campo disciplinar.

ÍNDICE

Palabras claves: ecología política, América Latina, apropiación de la naturaleza, política

Mots-clés: écologie politique, Amérique latine, appropriation de la nature, politique

Keywords: political ecology, Latin America, appropriation of nature, politics

AUTOR

ENRIQUE LEFF

Coordinador Regional de la Red de Formación Ambiental del PNUMA

Dagoberto Gutiérrez ¡Hasta la victoria siempre!

SAN SALVADOR, 9 de julio de 2024 (SIEP) “Ya Dago (1944-2024) seguramente se encuentra analizando la situación existente en el cielo, en conversaciones con San Pedro  y planificando visitar a sus camaradas Rafael Aguiñada y Schafik Handal…”  expresó el escritor Roberto Pineda.

“Con su fallecimiento -agregó- desaparece en El Salvador uno de los principales militantes revolucionarios y pensadores marxistas de la segunda mitad del siglo XX y de principios de este siglo. Pero además perdemos a un amigo entrañable, a un camarada de esta lucha por la alegría.”

“Dago tuvo la magia de relacionarse y estrechar amistades con literalmente miles de personas, con las más humildes, en el campo y la ciudad, dentro y fuera de nuestras fronteras, de las más diversas ideologías, y de aprender y de enseñar en ese encuentro siempre enriquecedor.”

“Un abrazo para Daisy, su compañera de vida y para nosotros, sus amigos y compañeros , la convicción que sus ideas de justicia social y democracia, de dignidad y de socialismo, seguirán inspirando a las nuevas generaciones de luchadores sociales  que vienen en camino…”

Rubén Blades, el poeta de la salsa.

En 1962 Bob Dylan lanzó unas inquietantes preguntas al viento. ¿Cuánto tienen que volar las balas de cañón antes de que sean prohibidas para siempre? ¿Y cuántos años deben vivir algunos antes de que se les conceda ser libres? ¿Cuántas veces un hombre volver la cabeza fingiendo no ver lo que ve? La respuesta, amigo mío, cantó Dylan, está en el viento. Y por haber preguntado lo que tanto se necesitaba cuestionar, y aunque todavía no tengamos respuestas —ni para las balas, ni para la libertad, ni para lo que se finge no ver—, la Academia Sueca tuvo la osadía de conceder al músico norteamericano el Premio Nobel de Literatura de 2016.

Veinte años después de que se escucharan los reclamos de Dylan, un músico latinoamericano que en esos momentos ya estaba en la cúspide de su popularidad, utilizó su pedestal y puso las manos en el fuego para lanzar otras pesadas interrogaciones, y no precisamente al viento. Mientras con sus canciones se ponía en busca de una Latinoamérica escamoteada y herida, el panameño Rubén Blades preguntó adónde van los desaparecidos de muchos de nuestros países, y por qué desaparecen y quiso saber cuándo vuelven los desaparecidos y a esa última pregunta respondió: solo vuelven al recuerdo de sus seres queridos. Rubén Blades escribía algunas de sus letras quizás más radicales y las cantaba en el año de 1984, unos tiempos (otros más) en que en el continente proliferaban las dictaduras y, como tantas veces, el valor de la vida se había desplomado. Las preguntas de Bob Dylan seguían teniendo todo su sentido y las de Rubén Blades, las contextualizaban.

El disco Buscando América cumple ahora 40 años de editado. Fue el primero en solitario del ya famoso Rubén Blades, con el que debutaba como director de banda con Los Seis del Solar y al frente de la producción. En el momento que Blades lanza Buscando América el movimiento artístico caribeño y latinoamericano bautizado como salsa, forjado en la caldera del Nueva York hispano de los años de 1960, vivía su período de mayor esplendor creativo y de aceptación en buena parte del continente y entre los hispanos de Estados Unidos. Semejante éxito se debía, entre otras razones, a las propias aportaciones del panameño, autor de las letras más expresivas y mejor armadas, que lo habían elevado a la categoría de “poeta de la salsa”. Pero el músico quería más (en realidad, nunca había ni ha dejado de querer más) y quemó sus naves y salió a buscar a América.

Con la producción de este disco, Blades corrió diversos y pesados riesgos pues aquel trabajo representó, quizás, su apuesta artística y política más atrevida. El primero de esos desafíos era de carácter artístico, pero de efectos comerciales. Seis años antes, gracias a su prodigiosa colaboración con el director de banda Willie Colón, estos dos pilares de la música latina contemporánea habían alcanzado el mayor éxito de público y ventas de la música salsa gracias al álbum Siembra (1978).

Del lado artístico, Rubén es un buen ejemplo del artista con compromiso social, siempre evolucionado, asumiendo riesgos creativos, como debes ser, para ensanchar las fronteras de influencia de su música con colaboraciones con músicos de rock y el jazz, con temas cantados en inglés o con esa mirada universalista muy manifiesta en un disco llamado Mundo (2002).

Y en ese tránsito, Rubén Blades se ha instalado en el pedestal más elevado. En los escalones están los 14 Grammy Latinos y los 12 Grammys absolutos obtenidos, aunque, significativamente, el primero de ellos solo llegó por el disco Escenas, cuatro años después del lanzamiento del revulsivo Buscado América. El creador de Pedro Navajas, manifiesta sus posturas respecto a las problemáticas de su país y del continente, su defensa de las libertades sociales e individuales y la crítica a desmanes, tanto de derecha como de izquierda. Es decir, la postura del intelectual inconforme que siempre ha sido.

No debe extrañar, por ello, que 40 años después de que Rubén Blades asumiera el reto que entrañó Buscando América, unos jóvenes artistas urbanos anden por varias ciudades de Latinoamérica “pintando” en las paredes las canciones del álbum. Es un modo, desde la cultura y la historia, de agradecer la osadía y el raigal compromiso que con su memorable disco selló un artista con la cultura, la sociedad y su época. Haciendo música con literatura y con conciencia y lanzando dolorosas preguntas que aún flotan en el viento.

Historia de las redes sociales: cómo nacieron y cuál fue su evolución. Noelia Fraguela. M & E. Abril 2024.

El comienzo de la historia de internet, hace ya unos cuantos años, abrió paso a una gran cantidad de nuevas formas de comunicación entre usuarios: el correo electrónico, las páginas web, los foros… Pero, sin dudas, la creación de la primera red social fue un antes y un después en nuestra forma de comunicarnos. ¿Sabes cuál fue la primera plataforma social, o cómo surgió? En este artículo te lo contamos.

Historia de las redes sociales: cómo y cuándo nacen

Los inicios

Para empezar debemos recordar el nacimiento de Internet, allá por 1947, cuando la Guerra Fría daba sus primeros pasos, enfrentando a ciudadanos de extremo a extremo del mundo; unos occidentales y capitalistas (liderados por Estados Unidos), y otros orientales y comunistas (liderados por, entonces, la Unión Soviética).

Una auténtica batalla por el poder que motivó numerosos avances tecnológicos. Entre ellos, EEUU creó la Advanced Research Projects Agency (ARPA), que una década más tarde asentó los pilares de lo que sería conocido como Internet, ya que su red ARPANET permitía el intercambio de información entre instituciones.

Gracias a esto, con el paso del tiempo, usuarios de diferentes partes del mundo empezaron a estar en contacto gracias a los correos electrónicos (siendo el primero enviado en 1971) o al Proyecto Gutenberg (biblioteca online gratis), en 1971. Unos años más tarde, en 1991, la red de Internet global se hizo pública, con el World Wide Web (lo que, comúnmente conocemos como «www»), y así surgió Internet.

¿Cuál fue la primera red social?

SixDegrees (1997)

Pero, ¿qué sucedía en aquel entonces? Que, a pesar de todos estos avances, no existía aún ningún elemento, herramienta o aplicación que permitiese a los usuarios socializar entre ellos, más allá del intercambio de emails o los programas de chat online, como IRC.

Esto cambió en 1997, cuando se creó SixDegrees, la que puede considerarse como la primera red social del mundo; una red que permitía localizar a otros miembros de la red y crear listas de amigos, y que se basaba en la teoría de los seis grados de separación, que afirma que es posible conectar con cualquier otra persona del mundo en tan solo 6 pasos.

Tal y como explicó Andrew Weinreich, su creador, el día de su lanzamiento: «El desafío es construir una comunidad, el desafío es encender una llama. Este es un servicio que pueden usar para hacer sus vidas más eficientes. Pero, al igual que comprar una libreta de direcciones, si no le añades nombres es inútil».

La aplicación, básicamente una red que unía a conocidos con «conocidos de conocidos», puede considerarse una red fallida en términos comerciales, pero es innegable que cimentó las bases de lo que hoy conocemos como Redes Sociales. La aplicación cerró en 2001.

La llegada de Friendster, MySpace y LinkedIn (2002/2003)

En 2001, como decíamos, SixDegrees desapareció, pero fueron solamente necesarios unos meses más para que los entonces afortunados usuarios digitales pudieran empezar a disfrutar de nuevas redes sociales, como Friendster, que se creó en 2002 como una red social para amantes de los videojuegos, o MySpace y LinkedIn, que aparecieron en 2003, considerándose redes mucho más profesionales y orientadas a empresas. Redes sociales antiguas, muchas de las cuales desaparecieron… aunque no todas.

Sobre todo LinkedIn, cuyo impacto en el mundo empresarial fue inmediato llegando, en 2008, a disponer de más de 25 millones de usuarios registrados, extendiéndose a empresas de 150 sectores diferentes. Hoy en día, la misma cuenta con más de 900 millones de usuarios registrados.

La aparición de la red social por excelencia: Facebook (2004)

Y, como no podía ser de otra manera, en 2004, un joven universitario procedente de la Universidad de Harvard colocó la guinda del pastel, y creó la red social más importante, en la actualidad, del mundo: Facebook. Aquel joven estudiante (que hoy en día podríamos fácilmente catalogar como «nerd»), es conocido como Mark Zuckerberg.

La historia de Zuckerberg  y de cómo creó Facebook es apasionante: Zuckerberg creó, en aquel entonces, un portal llamado Facemash cuya finalidad no era otra que la de poder conectar a los estudiantes de Harvard entre ellos, para disponer así de un lugar virtual donde compartir opiniones acerca de quienes eran las personas más y menos atractivas de la Universidad; algo que llegó a la Dirección de la misma, generando la expulsión del estudiante.

No obstante, su habilidad informática se dejó ver tan claramente con aquella aplicación, que poco duró en evolucionar y crecer a lo que es hoy en día; una red social que ya dispone de más de 2.958 millones de usuarios activos al mes.

YouTube: el fenómeno audiovisual (2005)

Solamente un año más tarde, en 2005, surgió una nueva revolución, que hoy en día se mantiene como una de las redes sociales más importantes: YouTube. Una red creada por Chad Hurley, Steve Chen y Jawn Karim en San Bruno, California. Según cuenta la leyenda, la idea de YouTube surgió ante las dificultades que los 3 jóvenes encontraron para compartir una serie de vídeos con sus amigos, mientras se encontraban en una fiesta en San Francisco. El 23 de abril de 2005 fue subido el primer vídeo a la red: «Me at the Zoo«, que te mostramos a continuación: Me at the zoo.

El bombazo de esta red fue tal, que rápidamente usuarios de todo el mundo empezaron a subir vídeos de todo tipo a la red, perdiéndose ligeramente la idea original de la misma. Pero, sin embargo, el tráfico se disparó aún más cuando los usuarios empezaron a colocar enlaces de YouTube en sus páginas de MySpace. Hoy en día, la red dispone de 2.514 millones de usuarios activos al mes.

El comienzo de los mensajes en 140 caracteres: Twitter (2006)

En 2006 surgió, en San Francisco y de la mano de Jack Dorsey, Noah Glass, Biz Stone y Evan Williams, la red social de microblogging: Twitter, que inicialmente se llamó twttr, para evolucionar después al nombre actual. Fue, sin duda, la revolución de la comunicación. La «corta ráfaga de información intrascendente«, o el trino de un pájaro, que, en inglés, se dice tweet.

Hoy en día, el impacto de esta red es tal que incluso medios de comunicación, como televisiones, radios y medios de noticias digitales, dedican espacios enteros a hablar del impacto que algún tweet, tendencia o mención especial ha tenido sobre alguna noticia del momento. Y, a pesar de que cuenta con algún que otro detractor, lo cierto es que muchos achacan su éxito a la sencillez de su uso; el mismo uso que en su origen: el de un número de caracteres limitados que permiten a sus usuarios comunicarse entre ellos. En nuestros días, la red dispone de unos 556 millones de usuarios activos al mes.

El 28 de octubre de 2022, tras una truculento melodrama de idas y venidas, Elon Musk pasó de ser accionista mayoritario a dueño de esta red social. Ya en mayo de 2023, Musk nombró a Linda Yaccarino CEO de Twitter, cediéndole así el puesto a la ex jefa de publicidad de NBC Universal.

Bajo el mando de Musk, Twitter ha experimentado diversos cambios que no terminan de agradar a sus usuarios, como la nueva política de verificación de cuentas, su retirada del código de buenas prácticas contra la desinformación de la UE o las limitaciones de cuántos tweets se pueden visualizar al día. Su último (e inesperado giro): el cambio de su nombre. Ahora Twitter ya no es Twitter, sino X.

WhatsApp (2009)

La que hoy en día podemos considerar como la app de mensajería instantánea más famosa surgió en 2009, y fue creada por el ucraniano Jan Koum. La misma se creó, originalmente, con la utilidad de ser una agenda inteligente -de ahí que se vincule con la agenda de contactos de nuestro terminal móvil-, permitiendo al usuario ver qué estaba haciendo cada persona en cada momento, con la finalidad de saber si podía iniciar o no una conversación con él. De ahí, su nombre: WhatsApp («¿Qué hay?», «¿Qué pasa?»)

Hoy en día, supera los 2.000 millones de usuarios, encontrándose por encima de aplicaciones como Facebook Messenger, Telegram o TikTok. En 2014, fue comprada por Mark Zuckerberg -el creador de Facebook- por, nada más y nada menos, que 19.000 millones de dólares.

Instagram: la mayor red de fotografía (2010)

En 2010, Instagram llegó al mercado, posicionándose rápidamente como la red social más fotográfica por excelencia, con un éxito superior a otras opciones como Flickr. Instagram fue creada por Kevin Systrom y Mike Krieger, y la particularidad con la que contó en sus inicios (que hoy en día se mantiene) es que trataba sus imágenes y fotografías de una forma cuadrada, en honor a la Kodak Instamatic así como a las cámaras Polaroid, contrastando con la relación de aspecto más vertical con la que hoy en día cuentan la mayoría de las cámaras de los terminales móviles.

Además, fue la red pionera, junto con Twitter, en la popularización de los hashtags, allá por enero de 2011, buscando facilitar a los usuarios el descubrir las fotografías que los demás usuarios compartían sobre un mismo tema, y que no podían llegar a visualizarse de otra manera.

Instagram alcanzó una gran popularidad en sus primeros meses de vida, llegando a tener más de 100 millones de usuarios activos en abril de 2012 (solo dos años después), y más de 300 en 2014. En nuestros días, aún sigue creciendo más y más –situándose en los 2.000 millones de usuarios activos-, sobre todo debido a que se trata de una red social enfocada a las nuevas generaciones, que tanto pecan de estar 24/7 mostrando a sus contactos qué están haciendo, en forma de fotografías colocadas en su Feed o en sus Stories (un formato que se define por hacer público contenido que desaparece a las 24 horas, en el que Snapchat fue pionero, y, tiempo más tarde, llegó a Instagram y a Facebook).

Precisamente, esta medida, la de lanzar sus propias stories, fue clave en el destino de Snapchat, la red social que en su momento estuvo en boca de todos como la de mayor auge a nivel mundial, y que acabó languideciendo en gran parte del mundo, ensombrecida por el poder de Instagram.

Pinterest y Google+ (2010/2011)

A partir de entonces, cada año fueron surgiendo nuevas redes sociales con diferentes funcionalidades o destinadas a distintos grupos. Pinterest, por ejemplo, una red social que colecciona imágenes -sobre todo, de inspiración- que permite a los usuarios almacenarlas en tableros y dotarlas de «pines», fue creada en 2010 y, a los 9 meses de su lanzamiento, ya disponía de 10.000 usuarios. La red cuenta con más de 445 millones de usuarios activos al mes.

Por su parte Google+ fue el gran intento fallido del gigante online: surgió en 2011, fue una red social propiedad de Google, que llegó a alcanzar los 10 millones de usuarios tan sólo dos semanas después de su lanzamiento. Tras 3 semanas de funcionamiento, ya rondaba los 20 millones. Una red que realizó grandes esfuerzos por desafiar a otras como Facebook, LinkedIn, MySpace, Vimeo o Tumblr, pero que -lamentablemente- cerró sus puertas en abril de 2019.

Twitch, la plataforma de referencia para los gamers (2011)

Twitch llegó al sector de las redes sociales en el 2011, y desde un primer momento marcó tendencia debido a su enfoque en el creciente mercado del gaming. Justin Kan, Emmett Shear, Michael Seibel y Kyle Vogt, sus creadores, habían experimentado antes con una plataforma de vídeos en directo, Justin.tv (2007). Esta, en principio, se trataba de una suerte de reality show sobre la vida de Kan, donde este documentaba su rutina diaria con una cámara que llevaba en su gorra. Sin embargo, al no tener tanta audiencia sus creadores decidieron abrirla al público en octubre del mismo año, despertando un gran interés en la comunidad de internet.

Rápidamente la plataforma empezó a ganar seguidores y a crearse una particular comunidad en ella, dentro de la cual los gamers mantuvieron cierta importancia. En consecuencia del impacto que vieron en esta comunidad de videojuegos, y el creciente mercado que esta plantea, los cuatro amigos decidieron lanzar Twitch como un subproducto de Justin.tv.

En los siguientes dos años Twitch afianzó su presencia en el sector, y levantó 35 millones dólares en dos rondas de inversión, alrededor de 29 millones de euros. Levantando el interés de grandes empresas como Google y Amazon, para finalmente ser comprada por esta última en septiembre de 2014 por 970 millones de dólares, cerca de 800 millones de euros. De esta compra en adelante la plataforma referente de los gamers siguió creciendo paulatinamente y ampliando su repertorio, incorporando una biblioteca de música libre de derechos, nuevas categorías e incluyendo transmisiones nuevas. Finalmente para 2020 presentó un impulso considerable de la mano de la pandemia, alcanzando más de 5.000 millones de horas de visualización y aumentando su plantilla de streamers a 8.5 millones.

Para inicios de julio de este año la plataforma logró alcanzar la mayor cantidad de visualizaciones en vivo para un directo. Esto fue alcanzado por Ibai Llanos durante la retransmisión de La Velada del Año 3, un evento celebrado en el estadio Civitas Metropolitano donde se vieron actuaciones musicales de diferentes artistas junto con combates de nivel aficionado entre creadores de contenido, alcanzó 3,4 millones de espectadores en vivo.

Actualmente Twitch recibe unos 31 millones de visitantes al día, y cada mes unos 7 millones de streamers realizan directos en la plataforma. En 2022, la cantidad de minutos vistos en la plataforma fue de nada menos que 1.300 millones.

TikTok, una de las últimas en llegar (2016)

La historia de TikTok merece un capítulo aparte. Surgió a finales de 2016, conociéndose también como Douyin en China, es una red social con un gran tirón entre los adolescentes, y no tan adolescentes, a día de hoy.

TikTok, que compró Musically en 2018, es una red social que podría compararse con una mezcla entre Vine y Snapchat, con la que se pueden crear compartir y descubrir vídeos muy breves, que van desde los 15 segundos de duración hasta un máximo de 10 minutos. Vídeos en los que los jóvenes usuarios pueden hacer prácticamente lo que sea y posteriormente editar con las potentes herramientas con las que cuenta la app.

El éxito arrollador de esta red social ha provocado que otras como Instagram o Facebook hayan copia adaptado algunas de sus dinámicas y funciones para tratar de replicarlo. Pero TikTok también ha hecho de las suyas, y un claro ejemplo de ello es TikTok Now, una app que lanzó en septiembre de 2022 y que imitaba claramente a BeReal. No obstante, esta duró poco, ya que en junio de 2023 se anunció su cierre debido a la pérdida de interés de los usuarios en este formato.

Por otra parte, aunque TikTok sea una de las redes del momento, esto no ha evitado que desatase polémica o que se topase con problemas. Y es que la plataforma ha sido prohibida o restringida en varias naciones debido a preocupaciones sobre motivos de seguridad y privacidad.

BeReal, un soplo de aire fresco entre el postureo (2020)

En 2020, Alexis Barreyat, quien trabajaba como productor de vídeo para GoPro y desarrollador independiente de iOS, lanzó al mundo esta nueva red social basada en la naturalidad. Su concepto es sencillo: captar la espontaneidad del momento, huyendo del postureo y la artificialidad que inundan otras plataformas.

BeReal te envía una notificación diaria a horas aleatorias para que subas una foto (tomada desde la app con la cámara frontal y trasera) antes de que pasen 2 minutos. Si el tiempo pasa, puedes subir la foto igualmente pero no se considerará tan «real». Así mismo, solo si subes una publicación podrás ver las de tus amigos. Desde primavera de este año si subes tu foto en el tiempo límite, la app te permite publicar dos imágenes más ese día.

En 2022, BeReal alcanzó el culmen de su éxito, alcanzando los 10 millones de usuarios diarios y llegando a liderar las listas de descargas de aplicaciones para iOS en EE.UU., en Reino Unido y en España, y ocupando posiciones destacadas en Italia y en Francia.

Algunas marcas apostaron por crear estrategias de marketing en esta red social, pero su limitación en cuanto a encontrar usuarios y crear redes de seguidores más privadas y reducidas, han provocado que esta no termine de ser una plataforma atractiva para promocionarse.

Actualmente, como se ha visto en la decisión de TikTok con TikTok Now, este tipo de formato parece que ya no da más de sí. Una vez que la atracción de la novedad se ha esfumado, BeReal tendrá que seguir desarrollándose para mantener el interés de sus usuarios.

Threads, el «Twitter» de Meta (2023)

Meta lanzó la plataforma el 6 de julio de 2023 en Estados Unidos y los resultados fueron inmediatos: en sus primeras 7 horas de vida Threads acumuló más de 10 millones de usuarios, y en menos de una semana, logró superar los 100 millones. Sin embargo, la emoción inicial se fue disipando y, al mes del lanzamiento, el número de usuarios cayó un 79%.

En el lanzamiento, Threads fue presentada como una app basada en conversaciones independiente pero interconectada con Instagram, ya que se vincula con tu perfil de esa red.

Su parecido con Twitter es innegable, replica su dinámica de publicaciones de texto con límites de caracteres (en este caso 500) y otras funciones, pero se vende como una alternativa más amable. Threads busca ser un espacio positivo donde poder expresarse, alejándose de la toxicidad que impregna gran parte de Twitter.

Al principio, Twitter se puso a la defensiva y envió una carta a Meta amenazando con emprender acciones legales en base a la defensa de su propiedad intelectual. La red de Musk acusa a la de Zuckerberg de haber contratado a exempleados de Twitter para crear Threads, aprovechando sus conocimientos sobre los secretos e información confidencial de Twitter.

La denuncia no prosperó, pero Threads tampoco. Si bien la plataforma sigue firme y parece haberse estabilizado, no ha logrado hacerle sombra a Twitter, al menos por ahora…

…Y más, y más…

Con el paso del tiempo, las novedades que se reinventan en las redes sociales son únicas y hacen que cada aplicación se enfoque a una temática diferente, abarcando cada día más y más aspectos sociales. Vinted o Wallapop, por ejemplo, son redes sociales que permiten la compra-venta de ropa y productos de segunda mano, contactando directamente a unos usuarios con otros, sin ningún tipo de intermediario entre ellos. Otras como Tinder, Meetic, Grindr o Badoo, se centran en contactar usuarios que buscan ligar.

Por supuesto, existen muchísimas redes sociales más que no hemos podido desarrollar, pero que seguro que tú, más de una vez, has dado uso. Y es que existen tantas y tan variadas que nunca terminaríamos este artículo (Por ejemplo: ¿conoces Likee, el clon singapureño de TikTok?) . Sin embargo, hemos destacado las más populares en nuestro país.

Otros países cuentan con sus propias especificidades: China, por ejemplo, con QZone, Baidu Tieba y Sina Weibo o Rusia, con Odnoklassniki o Vkontakte, suman cientos de millones de usuarios en redes que son auténticas desconocidas para nosotros.

Bonus: estado actual de las redes sociales en España

Las redes sociales se han vuelto, sin duda, una parte indispensable de la vida diaria de las personas. De acuerdo al Estudio de redes sociales 2023 realizado por IAB Spain y Elogia, el 85% de los usuarios de internet de España interactúan en estas redes de comunicación y entretenimiento. Como vemos las redes sociales tienen una alta penetración en la sociedad española, y mantienen unos niveles similares a los de 2022.

Según el estudio, el principal público de estas plataformas se encuentra en los usuarios de entre 35 y 44 años (24%), en claro contraste con la edición anterior, cuando el rango de edad mayoritario estaba entre los 41 y los 55. Así mismo, y manteniendo concordancia con los estudios anteriores, las mujeres dominan (aunque no de forma significativa) el panorama de las redes sociales, correspondiéndose con el 52% de los usuarios de redes sociales.

Por otra parte, para esta nueva edición IAB Spain y Elogia han eliminado cuatro redes sociales del estudio: BePlus, iVoox, Lapse y Waze. Aunque, en vista del crecimiento del sector de las redes sociales en los últimos tiempos, se le dio cabida a un nuevo participante: Kiwi. En cuanto al uso de las redes sociales en el último mes, WhatsApp continúa en cabeza, y es Instagram quien da la sorpresa, al ascender de cuarta a segunda posición, arrebatándosela a Facebook que queda tercero.

Si bien el año anterior TikTok era la red social que presentaba el mayor nivel de crecimiento en cuanto a uso, este año repite hazaña aunque la comparte con Telegram y LinkedIn, subiendo las tres seis puntos. En lo relativo a la frecuencia de uso, WhatsApp conserva su primer puesto, ya que es usada diariamente por el 95% de los usuarios. Y en cuanto a intensidad de uso, es Spotify quien gana con una media de uso diario de 1h 33min. Twitch y Discord la siguen de cerca con 1h 28min y 1h 27min.

Pero las redes sociales también pueden desencantar, aburrir o dejar de interesar, y ser abandonadas por sus usuarios. En este sentido, el 2023 muestra que la tendencia de abandono de redes que ya se daba el año anterior continúa, ya que 3 de cada 10 usuarios ha dejado alguna plataforma social en los últimos doce meses. Facebook vuelve a ser la red social que más usuarios dejan, seguida de Snapchat y Twitter.

En cuanto a la creciente presencia del social eCommerce y el marketing social en la redes sociales como medio para alcanzar a su público, el 37% de los españoles afirma que las marcas con presencia en redes sociales le inspiran más confianza (11 puntos más que en 2022).

Y tú, ¿en cuáles de estas redes sociales prefieres sumergirte?, ¿Cuáles son en las que pasas más tiempo? Déjanos tus respuestas en comentarios. O si conoces alguna otra red social que no hayamos tratado y de la que quieras compartir algún dato curioso o relevante, no dudes en contárnoslo… ¡Y hacer que todos aprendamos algo nuevo!

Historia de las redes sociales: índice

Los inicios

¿Cuál fue la primera red social? SixDegrees (1997)

 La llegada de Friendster, MySpace y LinkedIn (2002/2003)

 La aparición de la red social por excelencia: Facebook (2004)

 YouTube: el fenómeno audiovisual (2005)

 El comienzo de los mensajes en 140 caracteres: Twitter (2006)

 WhatsApp (2009)

 Instagram: la mayor red de fotografía (2010)

 Pinterest y Google+ (2010/2011)

 Twitch, la plataforma de referencia para los gamers (2011)

 …Y más, y más modernas

    TikTok, una de las últimas en llegar (2016)

   BeReal, un soplo de aire fresco entre el postureo (2020)

   Threads, el «Twitter» de Meta (2023)

   Estado actual de las redes sociales en España

Mario Vargas Llosa en Santo Domingo: una entrevista con José Israel Cuello.Frauke Gewecke. 2001

Mario Vargas Llosa, entre los “tantos amigos dominicanos”, os dedicó La fiesta del Chivo a Lourdes y a ti. ¿Cómo se conocieron y cómo se concretó precisamente tu colaboración en el proyecto que iba a tomar cuerpo en la elaboración de la novela?

J.I.C.: Poco tiempo después de la Revolución Constitucionalista de abril de1965, Mario Vargas Llosa se apareció en Santo Domingo a nombre de la Radiotelevisión Francesa, donde trabajaba, para hacer un documental acerca de aquella situación y de las consecuencias de todo orden que tuvo la intervención militar norteamericana.

Marianne de Tolentino, nacida en Francia y casada con un eminente médico dominicano, era en alguna medida su orientadora en estas tierras y en esas cosas; ella lo llevó a mi oficina, acompañado de su esposa Patricia, y fue esa nuestra primera relación personal, porque su obra impresa ya la conocía, si no toda, casi toda. El documental fue excelente. Posteriormente, Mario volvió a Santo Domingo a hacer la primera versión cinematográfica de Pantaleón y las visitadoras, producida por Charles Blodorm y la Paramount, versión que nunca he visto y que él detesta, pero en el curso de aquella visita-estadía ya se habló de Trujillo, de su muerte, de sus truculencias, de su significado político, etc., y en propiedad de la novela que unos 25 años después ha sido el éxito que motiva esta entrevista. Un buen día, tal vez dos décadas más tarde, ¿en 1995?, al llegar a mi casa un sábado ya de noche tenía una llamada de Mario Vargas Llosa desde el Hotel Jaragua. Me sorprendió que conservara el número de aquel teléfono privado que de manera tan ocasional le diera en sus visitas anteriores. Esa noche me dijo que venía decidido a abordar el proyecto de la novela sobre Trujillo y comenzamos a colaborar en la búsqueda de materiales bibliográficos, de entrevistas y cotejos de informaciones y fuentes.

F.G.: Durante el debate cerrado que suscitó la novela en los medios de comunicación dominicanos, algunos de los que criticaron y hasta anatematizaron a Vargas Llosa, quisieron explicar tanto los errores fácticos como la interpretación de los hechos remitiendo a una posible influencia de informantes de los que el autor habría quedado, a fin de cuentas, “malaconsejado”. ¿Te sientes aludido?

J.I.C.:Si se toman desde dónde provienen, los anatemas me honran. Yo me he pasado la vida molestándolos, sólo molestándolos, porque como puede comprobarse gozan de buena salud, salud que no tienen tantos amigos y compañeros de lucha que a lo largo de la vida he visto caer a mi lado y a mi frente como consecuencia delos recursos polémicos que emplean mis contradictores. No temo a las responsabilidades que se derivan de un trabajo editorial responsable; como ciudadano, como editor y como amigo acostumbro a trabajar a fondo en cualquier tema y ninguna Hermana de la Caridad del Cardenal Sancha tendrá queja de mi trabajo seguramente.

F.G.: Entre los que criticaron la novela con especial acritud está Ramón Font Bernard, el Director del Archivo General de la Nación, quien proporcionó a Vargas Llosa acceso a los documentos de la Era, instalándole hasta una oficina propia. Publicada la novela, Font Bernard, de quien se conocen los antecedentes trujillistas, la calificó rotundamente de “paquete de chismografía” y “alcantarrilla de inmundicias”. ¿Cómo explicarías tú esa reacción?

J.I.C.: Es evidente que Font Bernard quiso manipular al autor con sus cortesías calculadas y también es evidente que se le peló el billete. Para resguardarse de la complicidad que sus cofrades pudieran endilgarle, se hizo entonces el más activo de los atacantes. En privado, su voz sabe contar cosas que nunca se atreverá a escribir a pesar de conocerlas, y que si se citan como dichas por él habrá de negarlas con más fervor que con el que negara a Vargas Llosa algo más que un escritorio y ni un documento de importancia de los millones que reposan bajo su cuidado en el Archivo General de la Nación ya por tres gobiernos, gobernantes y partidos políticos.

F.G.: Otros que intervinieron en el debate asumiendo una actitud crítica y que no son sospechosos de antecedentes trujillistas o de pertenecer a la elite postrujillista, reprocharon a Vargas Llosa el haber adulterado o tergiversado hechos concretos, en particular el haber atribuido determinadas responsabilidades criminales a personas no involucradas. ¿Qué opinas de esta cens-ra? ¿Sería “perdonable” el proceder del autor en una obra que se presenta como ficción, la cual –según el mismo Vargas Llosa– no sólo permite sino exige “mentiras”?

J.I.C.: En el acto de presentación de la obra que se celebrara en Santiago, el autor hubo de decir que poseía referencias escritas de todos los hechos y situaciones que servían a la trama. En el trabajo se quiso ser preciso y se hizo un esfuerzo supremo para serlo. Todo aquel que fue mencionado por su nombre, o bien merecía serlo por sus hechos o bien era capaz de hacer lo que se dice. Los ascensos militares en la República Dominicana estaban condicionados al compromiso de sangre, que podía obviarse en uno que otro grado por acciones o fidelidades semejantes, pero de ninguna manera hasta llegar a los generalatos. El asco es tal cuando se profundiza en aquellas inmundicias, que fue necesario encubrir algún nombre con seudónimo, y no por sus méritos, y a pesar de ello se ha dicho ahora que nunca un ministro de Trujillo entregó alguna de sus hijas al tratamiento de sus lascivias. Un ministro de hoy se ha jactado de ser hijo de Trujillo, siendo como es nieto de aquel ministro del gabinete Balaguer del 3 de agosto de 1969 que le entregó dos hijas y su propia mujer al tirano, manteniendo altiva la mirada y publicando poesías en los periódicos.

F.G.:¿Y qué opinas de esta otra censura que recrimina a Vargas Llosa el haber dado una imagen devastadora de los dominicanos como colectividad espiritualmente “colonizada” por Trujillo? ¿O habrá penetrado el autor, de manera convincente, en la psicología colectiva del dominicano de aquel entonces?

J.I.C.:A esa conclusión no era difícil llegar después de hacer cientos de entrevistas de todo tipo y de haber consultado la enorme bibliografía y filmografía a que tuvo acceso el autor. Pero, si alguna duda cabía, el debate subsiguiente termina de satisfacerla, los dominicanos no se han sacudido todavía hoy de los efectos morales del trujillismo: en cualquier polémica, sobre cualquier hecho, criterio o concepto, el dominicano inicia su participación descalificando al oponente, ¿se necesita más?

F.G.: El tema de Trujillo estaba allí, y sorprende el hecho de que no haya sido elaborado como personaje con idiosincrasia propia en una de las tantas “novelas del dictador” publicadas por autores latinoamericanos. Hubo, sin embargo, autores dominicanos que usaron la Era como tema: Veloz Maggiolo, Mateo, Julia Álvarez, Sención y otros. La novela de Viriato Sención, Los que falsificaron la firma de Dios, también editada por Taller, fue en República Dominicana el libro de autor dominicano más vendido durante el último decenio, y fue publicada en una traducción inglesa en Estados Unidos, donde el autor reside.¿Por qué, según tu opinión, no se interesa nadie en Europa por esta novela?

J.I.C.:La penetración editorial europea en América Latina, de España en específico, lejos de integrar al autor de estos mundos a ese gran mundo de la lengua española que es España, y desde España al mundo en otras lenguas además, tiene una marcada tendencia a congelar en sus países, y a lo sumo en el Continente, a los autores latinoamericanos. Cuantifíquese y podrá verse cuántos autores han sido publicados en sus propios países y para sus propios países nada más por las empresas españolas que arrancan esas obras de las manos de los editores locales, congelándolas en su espacio y a lo sumo en lo circundante.

Cuantifíquese cuántos se han proyectado al mercado internacional plenamente. Ahora, cuando ya no puede sentirlo ni sentirse disminuido, ni mandar al carajo a todo el mundo como solía hacerlo con marcado acierto en su esplendor Juan Bosch, sus Cuentos completos han sido editados para el mercado latinoamericano por una editora española. La esperanza es que temas locales tratados por autores de la talla de Vargas Llosa hagan pensar a los agentes literarios españoles y a los editores correspondientes que en América Latina hay temas y tratamientos de esos temas que merecen su interés y el de sus lectores.

F.G.:Y el fulminante éxito internacional de la novela de Vargas Llosa ¿se debería a las habilidades de Vargas Llosa como narrador o quizá al hecho de que manifiesta ideas “políticamente correctas” o, tal vez, a la extraordinaria campaña publicitaria desplegada tanto en Europa como en Latinoamérica?

J.I.C.:Hay una combinación de todas esas cosas, y de otras más, como es el tema, la esencia del despotismo que es el poder. ¿No tiene acaso en el límite de sus propias dimensiones, a veces mayores de 50 mil kilómetros cuadrados, las mismas características de nuestro dictador ahora convertido en arquetipo, el dueño de una propiedad agraria o de una gran empresa que abusa de sus hombres y atropella a las mujeres con todo el poder que da la superioridad social establecida, aceptada como necesaria y soportada por el temor a la descomposición del orden en que se ha nacido? ¿No es la Cuba de hoy una caricatura ilustrada del poder absoluto de Trujillo?

F.G.: La fiesta del Chivoha sido un éxito de ventas también en República Dominicana, con más de 50.000 ejemplares vendidos; y si se considera que a un ejemplar vendido corresponden, por regla general, entre tres y cinco lectores, se puede constatar que la base de recepción ha sido muy amplia. En tu discurso de presentación de la novela dijiste que ella “contribuye definitivamente al inicio impostergable de la contemplación de nuestras intimidades, a la ventilación necesaria de las partes dañadas que tiene el alma dominicana”. ¿Crees que este efecto catártico se ha conseguido entre los dominicanos?

J.I.C.: Apenas se inicia, la palabra en el debate está del otro lado en este momento. Los esbirros, en principio, han aceptado el desafío y convocado a sus oponentes a conversaciones abiertas donde proponen el olvido recíproco, como si ellos tuvieran nada que olvidar que no sea el olvido mismo de sus iniquidades nunca redimidas, y como si nosotros pudiéramos olvidar todo lo vivido y todo lo muerto. Hoy día 28 de junio aparece en el diario Hoy una colaboración que llama a “¡La verdad, historiadores!” con cuatro puntos muy definidos: Uno, Miguel Ángel Báez Díaz actuó sin razones valederas, su hija no fue asesinada en el parto por celos de la hija de Trujillo en la administración de su marido, ni el esposo de ésta meses más tarde tampoco fue asesinado en un accidente de vehículos mientras desarrollaba la curiosa misión de buscar peloteros en la zona fronteriza para el equipo de la Aviación Militar Dominicana, enviado por el presumiblemente agraviado yerno de Trujillo. Presumimos que entiende el autor que de haber tenido don Miguel Ángel esas percepciones modernas de aquellos hechos terribles y continuos, que entonces le afectaron y le motivaron a la acción patriótica que le llevó a él mismo a la muerte después de que le sirvieran como comida en la cárcel la carne de su propio hijo mayor, no se hubiera involucrado en aquellos hechos; pero, testigo como fue de su muerte, ella le podía inducir al hecho a que lo indujo aquella cadena de coincidencias tan confusa. Dos, es injusto pensar que Horacio Vázquez, el predecesor de Trujillo, pudiera haber sido envenenado por éste, y no se explica por qué se calumnia a ese señor que da motivos a malos pensamientos, sin hechos que los confirmen. Tres, insiste en que a Trujillo se le pegaban todas las tragedias y las muertes de la época, pero no explica el porqué de que fuera a Trujillo y no a otro, el porqué de que en aquel tiempo nadie podía morir de muerte natural sin que Trujillo fuera sospechoso de haberla provocado. ¿Qué fundamento podía tener aquella malquerencia? Termina el articulista mordiéndose la cola al citar a un filósofo local, David Álvarez Martín, quien como es natural hace filosofía del despotismo y de su trascendencia, cuando dice que rechazar que alguien pueda defender una tiranía demuestra precisamente que los efectos de la dictadura no han desaparecido de nuestra sociedad; que la intolerancia es uno de los venenos más difíciles de erradicar en quienes heredan espiritualmente una dictadura, y que señalar que dicha intolerancia es contra la dictadura misma, prueba cuán profundamente ha calado la dictadura…

F.G.: Una última pregunta: Tu experiencia con Manuel Vázquez Montalbán, quien también pudo contar con tu colaboración para su novela Galíndez, y que incluso te introduce en ella como personaje, ¿fue distinta de la experiencia que viviste con Mario Vargas Llosa?

J.I.C.: Por supuesto. Me duele, sin embargo, que el aserto matemático que aprendimos para entender las reglas de la multiplicación no se cumpla en las relaciones humanas: esos dos amigos míos no son amigos y debieran de serlo si los amigos de mis amigos son mis amigos. A Manolo lo encontré para esos efectos a través de El País. Pero ya le conocía, le conocía por los múltiples nombres que adoptara en Triunfo y porque al pasar por Madrid alguna vez, otro entrañable amigo de otras entrañables aventuras allá mismo en los primeros años de la década de los 60, Armando Puente, me regaló su ahora olvidada La penetración americana en España. Lector de sus columnas como era, cuando reiteró la idea de que un día dejaba todo para trabajar con Galíndez, el personaje que le apasionaba desde que en la prensa franquista conoció de él por la síntesis de su secuestro en Nueva York y por los problemas que el hecho le iba creando en forma acumulativa a Trujillo, no vacilé en enviarle copia del archivo de Galíndez que había acumulado al paso delos años y que había entregado a otros autores dominicanos, a los cuales el tema nunca les sedujo. El mal correo ayudó a nuestra química afectivo-intelectual-política, pues cinco meses más tarde y sin recibir respuesta alguna de aquel envío que se hizo a: “MVM, El País, Madrid, España”, se presentaba en el recinto ferial de Barcelona, en el marco de un Liber, una obra de Antonio Gades con prólogo y palabras de MVM, lo que me permitió acercarme a un estante muy próximo al subdesarrollado de Taller, en que aglomeraba un público nutrido y caluroso. Sólo pude decirle que era dominicano para que dijera a su vez que “ayer recibí un paquete muy extraño desde allá, tan extraño que hube de preguntarle a don Francisco Ayala, que recaló alguna vez por esas tierras, si un dominicano sería capaz de aquello, y me dijo que todos los dominicanos eran capaces de esas cosas”. El elogio de Ayala me tocó muy hondo, no somos un país de Rubirosas y de Trujillos, y Ayala, que había pasado por esta parte de la Siberia española que es Latinoamérica camino a Buenos Aires, ya homologado en la nueva España que se deshacía de Franco por muerte natural, había calado en lo profundo del alma dominicana.

Quedamos en encontrarnos una semana más tarde en la Plaza de la Universidad, donde planificamos el trabajo en Santo Domingo que en gran medida ha sido insertado en la obra: en ella, Muriel, la estudiante norteamericana que escribe una tesis sobre “La ética de la emigración, caso Jesús de Galíndez”, manosea archivos de la cancillería española cuando recibe el paquete de materiales que yo le envío desde Santo Domingo, y decide venir aquí, lo que le permite al autor insertarnos con nuestros propios nombres y nuestros propios hechos en la trama. Hemos colaborado con otros autores, sin que necesariamente Taller tenga derechos editoriales y queda de esas experiencias y contactos el dolor de las distancias, cuando el creador se deja atrapar por otros temas y se olvida de que en los caminos va dejando afectos dispersados que el viento toma para sí con rapidez.

José Israel Cuello es un destacado investigador de temas políticos y económicos relacionados con la historia dominicana reciente; dirige, junto con su esposa, Lourdes Camilo de Cuello, la editorial Taller que publicó la edición dominicana de La fiesta del Chivo, de Mario Vargas Llosa. La entrevista se esbozó, en sus líneas generales, durante un encuentro en Santo Domingo, el 3 de enero de 2001, para ser concretada luego por escrito.

Celebran en CIRAC cumpleaños 90 de Berta Deras, pionera del feminismo salvadoreño

SAN SALVADOR, 8 de junio de 2024 (SIEP) A principios de los años cincuenta del siglo pasado, en plena dictadura militar, durante el gobierno del coronel  Oscar Osorio, una jovencita de nombre Berta Deras, participó en la creación de Fraternidad de Mujeres Salvadoreñas, FMS.

Fraternidad como era conocida, fue una de las primeras organizaciones que trabajó por el respeto  a los derechos de las mujeres  y de la niñez salvadoreña, a nivel de los sindicatos y el movimiento popular de esos tiempos. 

La lucha por la igualdad  emprendida por Fraternidad “todavía tiene vigencia, todavía tenemos muchos desafíos como mujeres salvadoreñas para lograr nuestra emancipación social…” indicó la cumpleañera.

La conmemoración, a la que asistieron compañeras de lucha de aquella época,  fue realizada el barrio san Miguelito, en el local de la Coordinadora Intersindical Rafael Aguiñada Carranza, CIRAC; que lleva el nombre del esposo de Berta, diputado del UDN y secretario general de la FUSS, asesinado en septiembre de 1975.